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"Une rupture avec la confusion messaliste"



L'Expression: Quel est a été l'impact du congrès de la Soummam sur la révolution algérienne'Mohamed Lakhdar Maougal:Le congrès de la Soummam (20 Août 1956) fut un événement marquant de la Révolution algérienne. Mais à s'en prévaloir comme le plus marquant, cela appelle quelques réserves nécessairement sereines, forcément objectives et indiscutablement indispensables. D'abord, du point de vue historique. La sensible question de la représentativité nationale démocratique, autonomiste et décentralisée décidée par les 22 en avril 1954 puis adoptée par les Six en juin 1954, marquera un léger déphasage en 1956 entre d'une part trois zones (Z2-Z3-Z4) comme piliers d'encadrement et comme épines dorsales du processus de résistance à la guerre déclenchée par la France coloniale contre notre pays et d'autre part, trois autres zones qui furent ou défaillantes ou absentes au Congrès (Z1-Z5-Z6). Le congrès fut arrêté à la date commémorative du 20 Août 1955, soulèvement du Nord Constantinois de portée maghrébine (Salah Boubnider), mais qui annonce une série de mesures contre la primauté du militaire sur le politique qui sera versé en août 1956. Ensuite, du point de vue organique, concertatif, mis en place en 1954, seuls deux membres étaient présents: Larbi Ben M'hidi gagné à l'idée de la nécessité d'une centralisation (Zone autonome d'Alger) et Krim Belkacem (Z3) secondé par Amar Ouamrane (Z4) lesquels, apparemment, restaient réfractaires à la centralisation excessive, du moins jusqu'à l'établissement en 1957 du Cnra au Caire puis du Gpra rapatrié du Caire à Tunis en 1958. Enfin du point de vue des représentations politiques anciennes dissoutes ou autodissoutes dès 1955, quelques membres du Mtld comme Benyoucef Benkhedda et du PCA à l'instar d'Amar Ouzegane. Quelques individualités de l'Association des Ouléma (Brahim Mezhoudi et Ali Kafi, accompagnateurs de Zighout Youcef de la Z2), ne représentaient qu'eux-mêmes, l'Association ne s'étant autodissoute qu'en 1958. Il en sera de même pour certains militants de l'Udma de Ferhat Abbas, parti qui ne sera pas présent au congrès de 1956. Certes, la centralité organique révolutionnaire avait été décapitée. Mais le mouvement de résistance était resté fort et déterminé, grâce à l'esprit d'initiative et de direction collégiale et concertative. Quelles perspectives s'offraient alors à la conduite du processus de résistance d'abord et d'émancipation et de révolution ensuite' Centralité d'encadrement ou autonomie d'initiative' La tradition jacobine révolutionnaire fort imprégnée du messianisme-messaliste, très omniprésent dans la culture nationaliste en Kabylie, finira par l'emporter et le choix sera fait pour l'option jacobine centralisatrice dans un premier profond accord entre Abane Ramdane et Krim Belkacem, un duo à la main de fer qui ne résistera pas aux tentations du «leadership» jusqu'à l'inimitié assassine. Vu sous cet angle de l'orientation tactique de la lutte, le congrès de la Soummam, nonobstant la mise en place d'une stratégique ligne de conduite basée sur des principes organiques et politiques pragmatiques, est un recul par rapport à l'esprit du 1er Novembre 1954, quand bien même il aura toute sa signification dans la rupture avec la confusion messaliste et l'orientation identitaire arabo-musulmane que Chakib Arslane, le délégué du Congrès musulman de Jérusalem, avait réussi à imposer à Messali Hadj. Mais le congrès de la Soummam c'est la fin de l'incubation élitaire et le début de la structuration d'encadrement institutionnel et étatique. Un concours de circonstances favorables à la décolonisation à l'échelle mondiale (Congrès de Bandung d'avril 1955) imprimera une nouvelle ligne de conduite à la Révolution algérienne qui prendra ses distances avec l'option de 1954. La perspective d'un front politique mondialisé contre le colonialisme va faire pencher la balance vers les solutions diplomatiques exogènes au détriment des luttes militaires et accélèrera le glissement du pouvoir de décision vers la centralité et l'encadrement au détriment de l'initiative et de l'autonomie participative.Quel portrait faites-vous d'Abane Ramdane par rapport aux autres acteurs de la Révolution'Je me méfie toujours du culte de la personnalité qui est une tradition bureaucratique, voire dictatoriale dont l'Algérie a eu beaucoup de mal à se départir du temps de Messali Hadj déjà et dont elle ne s'est pas encore totalement libérée. Cette tradition orientale mêlée de mysticisme au Maghreb avait été écartée par les promoteurs du1er Novembre 1954 qui, faisant confiance dans les masses populaires, ont choisi la décentralisation et l'autonomie appuyées sur la concertation et l'initiative. Abane Ramdane avait été élargi par la France en 1955, après avoir purgé une peine de réclusion, suite au démantèlement de l'OS dont il fut un responsable dans la zone ouest du pays. Dans ce choc des leaderships (militaire/politique), deux expériences s'affrontent: un pôle de combat politico-diplomatique (Abane) et l'autre de lutte armée (Krim). C'est ainsi que le congrès se retrouvera miné dès le départ par cette dualité fratricide et finira par consacrer dans sa résolution finale le triomphe de la ligne politique de Abane sur la ligne militaire de Krim. Cela allait avoir de lourdes conséquences quasi immédiates comme l'intervention de la direction issue du congrès dans les affaires intérieures des autres zones, notamment dans le sombre conflit qui se manifestait dans les Aurès (Zone 1) autour de la succession de Mostefa Benboulaïd.Quelles leçons tirer du congrès de la Soummam, soixante ans après l'indépendance'Vue d'aujourd'hui, l'expérience du congrès de la Soummam, pourrait paraître comme une solution à la crise actuelle que vit notre pays. Mais l'esprit de 1956 est passé de mode avec le temps. Dans l'Algérie indépendante, le recours à l'unicité exclusive et dictatoriale symbolique-politique a fini par éroder et par discréditer toute recherche de consensus en matière de politique car cette pratique a toujours tendu vers la mise à l'écart de toute alternative démocratique et de toute alternance pacifique, à la responsabilité suprême. Le principe de la primauté du politique sur le militaire s'est avéré un principe relatif, en ce qu'il traduit dans la conjoncture actuelle d'aiguisements des contradictions à l'échelle planétaire, une stratégie de simulacre de démocratisation. Les dictatures de l'argent sale et de la corruption ont aggravé les situations de bien des pays embourbés dans des systèmes médiocratiques et totalitaires qui ont sacrifié les souverainetés de type nationalitaire au profit des pouvoirs des cartels et des firmes multinationales qui agissent par le canal de certains Etats mercenaires et voyous chargés de la gestion d'un nouvel ordre inégalitaire, injuste et génocidaire.Les crises de décomposition de certains Etats témoignent de manière claire d'un avenir sombre de recomposition d'un ordre néocolonial plus atroce que l'ancien ordre colonial des siècles précédents. D'un point de vue pratique, le congrès de la Soummam apparaît aujourd'hui comme un contre-exemple nocif de la primauté institutionnelle (encadrement et contrôle) sur l'initiative populaire (élitaire et participative). Aujourd'hui, comme en novembre 1954, il faut vaille que vaille faire revivre l'esprit d'initiative révolutionnaire, politiser les masses pour de nouvelles initiatives patriotiques et libéraliser davantage la vie politique en contrôlant sévèrement l'économie et surtout le marché extérieur dont se nourrissent les différentes mafias compradores.


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