Il y avait du beau monde, hier, dans le grand prétoire du tribunal
correctionnel d'Oran. Entre deux affaires banales qui relèvent du menu pénal de
tous les jours, un dossier attire l'attention. Les accusés sont invités à
comparaître à la barre. Quand la présidente d'audience a prononcé le nom
d'Issâd Rebrab, beaucoup dans la salle ont cru qu'il s'agissait d'un homonyme.
Mais c'était bel et bien l'homme d'affaires, le patron du groupe Cévital, qui
se levait des bancs réservés au public.
La juge énonce la charge retenue contre le patron de Cévital : l'article
363, alinéa 2, du Code pénal. Traduction : abus de biens sociaux. Son coaccusé
et proche collaborateur, à qui il avait confié la gérance de trois sociétés, un
certain Nazef Ali, devait répondre du chef d'accusation de « faux en écriture
commerciale », article 219 du Code pénal.
Entourés d'une légion de robes noires, les deux hommes donnent l'air
d'être décontractés, relax. Le commissaire aux comptes est prié de rejoindre la
salle des témoins. Les débats commencent. Ils se poursuivront pendant deux
bonnes heures.
Il en ressort que la genèse de l'affaire remonte au 19 novembre 2004,
avec le dépôt d'une plainte auprès de la section de la Gendarmerie nationale de
Dar El-Beida, à Oran, par un certain El-Kébir Mohamed Miloud contre son associé
Issâd Rebrab et son partenaire, nommé comme gérant, Nazef Ali, et ce pour «
abus de biens sociaux ». Les faits concernent une société, une SARL dite SACM,
Société (privée) algérienne de construction (métallique) et de fonderie. Il
s'agit d'une usine désaffectée, située au secteur de Petit-Lac, à Oran,
rachetée par Rebrab en 1984. C'est El-Kébir Mohamed Miloud qui est à l'origine
de ce marché.
Après un plan de redressement, la fabrique, dont Rebrab détient 70% du
capital contre 30% pour son associé El-Kébir, s'est mise à produire à nouveau.
Depuis sa création et jusqu'à 1998, c'est le deuxième sociétaire qui se
chargeait de la gérance. Puis, il y eut cette cassure suite à la découverte par
Rebrab que son gérant, « à qui je faisais une confiance aveugle, à telle
enseigne que les 30% avec lesquels celui-ci est entré, c'était moi qui les ai
versés en son nom juste pour le motiver, pour l'impliquer pleinement », piquait
de l'argent de la tirelire de l'entreprise, selon la déclaration de Rebrab. Ce
dernier le déchoit alors du statut de gérant, qu'il confie à un autre homme,
Chrif Noureddine. Ce dernier ne demeurera pas longtemps à ce poste puisque trois
ans plus tard, en 2001, il sera déchu à son tour car le patron l'accusera de
faire main basse sur les fonds de la société, de connivence avec son
prédécesseur.
2002 : un nouveau-né dans le consortium tentaculaire de Rebrab, SACRAT,
une société faisant dans le filon de l'importation, le montage et la
commercialisation des équipements agricoles. C'est cette EURL, 100% Rebrab, qui
sera à la source de tous les ennuis et qui jettera un froid sur la relation,
déjà conflictuelle, entre les deux parties. Selon le plaignant, Rebrab a
délocalisé cette entité d'Alger vers Oran, qu'il a implantée, plutôt superposée
sur le siège de la SACM. Objectif de cette transplantation ? Le propriétaire à
30% de la SACM accuse le « big boss », avec l'aide de Nazef, d'avoir utilisé
son unité de production comme couveuse à la société écran SACRAT. En clair, il
reproche aux deux hommes « d'avoir pompé plusieurs milliards de la SACM vers la
SACRAT, laquelle fonctionnait en sus avec le registre de commerce de la
première, d'avoir exploité les équipements, les machines, les ouvriers,
l'électricité, le gaz, le téléphone... de la première dans l'activité de la
deuxième, d'avoir facturé entre autres plusieurs opérations d'importation
d'équipements agricoles au nom de la première société spécialisée dans la
fonderie des métaux ferreux et non ferreux, la construction métallique, la
chaudronnerie et la fabrication de certains produits en aluminium.
Selon le plaignant toujours, « même l'entretien et la réparation du parc
roulant de la SACRAT se font aux frais de la princesse, la SACM en l'occurrence
». Ce récit est l'exact opposé de la version des faits d'Issâd Rebrab, qui
dénonce le « dénigrement », « le coup bas », de la part d'un homme à qui il n'a
fait que du bien, mû par le seul esprit de vindicte après avoir été poursuivi
pour détournement des fonds de la société. Le patron de Cévital a juré n'avoir
touché aucun sou des bénéfices de la SACM, dont il dit avoir versé 100% du
capital.
Au contraire, il a affirmé qu'il a sans cesse appuyé par le financement
et la logistique cette entité déficitaire, et ce dans le seul but de maintenir
l'activité et conserver la main-d'oeuvre qui en subsiste, soit près de 140
employés. Il atteste que toutes les opérations en question sont propres comme
un sou neuf. Il en veut pour preuve le bilan du commissaire aux comptes désigné
en avril 2004 pour éplucher la comptabilité de la SACM, lequel rapport n'a rien
trouvé d'anormal.
C'est en vain qu'un des avocats de la partie civile a tenté de jeter une
pierre dans la mare en « glissant » au cours de sa plaidoirie l'histoire de la
plainte du fisc concernant une présumée évasion fiscale liée à la
délocalisation de la SACRAM d'Alger vers Oran. La réplique ne s'est fait pas
attendre côté défense, qui a, par la voix de Maître Laloul, précisé que la
direction des impôts d'Oran Ouest a retiré sa demande de constitution en partie
civile dans l'affaire et que le contentieux était en voie de règlement au
niveau de l'administration fiscale centrale.
De son côté, Me Fahim Hadj Habib s'est interrogé : « Notre mandant est
poursuivi pour faux et usage de faux. Mais où est le document falsifié ? Qu'on
me le montre ! ».
Le représentant du ministère public a requis une peine de 18 mois ferme
contre le patron du groupe Cévital, Issâd Rebrab, et son co-prévenu, le gérant
des deux entreprises susmentionnées, Nazef Ali. Le verdict a été mis en
délibéré pour la semaine prochaine, le 9 juin.
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Posté Le : 03/06/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Houari Saaïdia
Source : www.lequotidien-oran.com