Algérie - Coutumes et Traditions Diverses

Amizour (Béjaia) - Pour le repeuplement du douar Ait Amrouyoub "Saison de l'olive, fête de partage"




Amizour (Béjaia) -  Pour le repeuplement du douar Ait Amrouyoub




Comme à chaque saison des olives, la population locale se donne rendez-vous pour une fête de partage et faire revivre les villages des ancêtres.


Samedi 10 décembre. Un cortège de véhicules prend route vers Serghine, un ancien village de l’arch Ait Amrouyoub, totalement rasé par la colonisation. La piste montante qui y mène depuis Merdj Ouamane à la région est quasi impraticable, les véhicules, même des 4X4, peinaient à y avancer. Idir Hamoudi, journaliste de la chaîne TV KBC, a laissé son véhicule à mi-chemin.

«Heureusement qu’il n’y a pas de pluie, sinon personne n’aurait pu y monter» fait remarquer un conducteur circulant à un rythme d’escargot.

Depuis 2010, date de l’achèvement de l’ouverture de la piste qui relie le douar à la RN 75, la population de la région, regroupée autour de l’association sociale Aït-Amrouyoub, se retrouve à chaque saison des olives pour y distribuer la viande du sacrifice d’automne et plaider la cause de la région dévitalisée et entièrement désertée.

Pilonnée et détruite par l’aviation coloniale après la bataille de Tala Ouaghras du 26 juillet 1956 et décrétée zone interdite, la région reste à ce jour inhabitable et rarement fréquentable. Cette «Louziâ» itinérante, réhabilitée depuis 2010, en plus de battre le rappel des enfants de la région, a comme objectif justement de faire connaître aux nouvelles générations leur ancien douar et de sensibiliser les autorités locales afin de traduire sur le terrain le vœu de la population à savoir: faire revivre leurs anciens villages et retravailler leurs champs longtemps restés en jachère.

Cinq bœufs ont été immolés cette année, répartis en 750 parts.

«Au-delà de la réhabilitation de ce rite sacrificiel qui était pour nos ancêtres un rendez-vous incontournable au début de la saison des olives, nous visons principalement à renouer les liens avec tous les fils de notre ancien arch pour redonner vie à cette zone très chère à nos parents», indique à El-Watan Kherraz Rabah, le président de l’association.

L’obstacle, que nous avions signalé dans nos colonnes il y a de cela deux années, que constituait le cadastre qui classe tout l’arch Ait-Amrouyoyb comme zone inconnue, a été évacué ces derniers mois et de nombreux propriétaires ont déjà bénéficié de quelques avantages du FNDRA.

«Certains ont fait acquisition de ruches, d’autres ont bénéficié de plants d’oliviers, d’autres encore ont construit même des maisons…. L’aventure du repeuplement a bel est bien commencé et les autorités doivent participer pleinement à ces efforts» nous explique le maître de judo et écrivain Ouaret Mohand Saddek qui a d’ailleurs lu à cette occasion son long poème dédié à sa région natale.

Il faut des routes

Présentement, une seule chose taraude les responsables et les personnes qui veulent effectivement renouer avec leurs anciennes propriétés: l’état des deux pistes qui desservent ces hauteurs. Tous pensent que si route il y a, développement il y aura.

«Regardez, on a même construit une mosquée ici, alors que personne n’y habite. Ceci pour vous dire, notre volonté d’y revenir pour rebâtir nos maisons. Mais le minimum n’existe pas, comment voulez-vous qu’on y revienne avec nos enfants quand il n’y a même pas de route. Il faut que les autorités revêtent en urgence et convenablement au moins l’une des pistes» nous dit un vieux qui se rappelle avec nostalgie des années qu’il a passées sur les lieux.

Les interventions des responsables d’association se sont d’ailleurs focalisées sur cet aspect du problème. Pour permettre aux anciens habitants chassés par la France coloniale de revenir dans leur douar d’origine, il faut des routes, mais peut-on actuellement, dans cette époque de vaches maigres, concrétiser cette revendication? Question que nous avons évidemment posée au P/APC d’Amizour, Bouzidi Mokhtar, présent sur les lieux.

«La piste qui dessert Ait-Amrouyoub depuis Merdj Ouamane est très utile. Son aménagement et son revêtement pourraient inciter des familles à revenir chez elles et à mettre en valeur leur terre. Ce qui ne manquera pas de participer au développement de l’agriculture et du tourisme de montagne. Cela serait très bénéfique pour tout le monde et de même une juste rétribution pour les nombreux martyrs de cette région qui a été déclarée zone interdite durant la guerre d’indépendance. Mais aujourd’hui nous avons des urgences. La piste de Taslant qui dessert plusieurs villages peuplés est dans un piteux état. Elle constitue une colonne vertébrale pour de nombreux citoyens de la région. Elle mérite en urgence de bénéficier d’un projet d’aménagement et de revêtement. Et si choix il y a, il est vite fait. Mais il n’en demeure pas moins que relier Ait-Amrouyoub est nécessaire autant pour les familles que pour l’économie du pays», déclare-t-il à El-Watan.

La guerre d’indépendance a constitué l’un des autres sujets majeurs de ce rendez-vous. Elle a été convoquée pour dire les souffrances vécues par la population, son exode mal vécu, son éparpillement à travers les villes et les villages de la Soummam. Par le repeuplement voulu et souhaité par les natifs de la région et leurs descendants, il apparaît comme une volonté d’effacer ce triste épisode de la colonisation.

«Notre région a payé un lourd tribut à la révolution. Nos villages sont rasés, nos villageois éparpillés, 131 martyrs sont tombés au champ d’honneur» nous déclare, dans ce sens, le moudjahid Mohand Akli d’Azrou n’Bechar devant les ruines de leur ancienne habitation.


Photo: Les enfants de l’arch se sont retrouvés dans une ambiance bon enfant.

Boualem B.

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