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Après l’incendie du Parc national de Gouraya (Béjaïa): Le dispositif antifeu se révèle inefficace




Après l’incendie du Parc national de Gouraya (Béjaïa):  Le dispositif antifeu se révèle inefficace




La Protection civile de Béjaïa est en état d’alerte maximale. Un départ de feu vient d’être signalé à Dar Nacer, au pied du mont Gouraya qui surplombe la ville de Béjaïa. La réserve végétale et animalière du Parc national de Gouraya (PNG) est dangereusement menacée, autant pour les habitations que le port pétrolier.

Le 22 juillet, 200 hommes et 15 camions ont été mobilisés, appuyés par les moyens dérisoires des services des forêts et de la direction du PNG. La force de frappe de la Protection civile de Béjaïa est très faible.

Le même week-end, les soldats du feu étaient envoyés pour affronter 36 autres départs de feu dans une vingtaine de communes à travers la wilaya ; ce qui a nécessité l’appel de renforts des wilayas limitrophes, en l’occurrence Tizi Ouzou, Bouira, Bordj Bou Arréridj, Jijel et Sétif.

Une semaine après ce sinistre, les organismes ayant lutté contre le feu ainsi que la société civile, notamment les associations écologistes, relèvent un manque de moyens flagrant et des brèches dans la stratégie de lutte. La seule technique de lutte contre le feu à Béjaïa, à l’image de toutes les wilayas du pays, repose sur l’intervention au sol.

Outre la législation et la sensibilisation, la prévention se base sur la surveillance, l’ouverture des pistes, l’aménagement de pare-feu et l’installation de points d’eau. Seulement, sur le terrain, les soldats du feu éprouvent beaucoup de difficultés à lutter contre les flammes face à l’inaccessibilité des forêts. Une mission que partagent les services des forêts, les communes et les services de la wilaya.

Actuellement, Béjaïa est loin de la norme nationale en termes d’infrastructures, comme le confirme Ali Mahmoudi, conservateur des forêts de Béjaïa. La région ne dispose que de 799 ha de tranchées pare-feu (TPF), 40 unités de points d’eau de 50 m3 et seulement 873 kilomètres de pistes forestières. Les programmes visant à densifier ces moyens dans le cadre de la prévention et la surveillance des feux de forêt ne sont pas suffisants pour couvrir l’ensemble du territoire.

Béjaïa a beaucoup à faire avant d’atteindre la norme nationale qui est d’un point d’eau d’une capacité minimale de 50 m3 pour 1.000 ha de forêt, de 2,5 ha de TPF pour 100 ha de forêt et de 2 kilomètres de piste pour 100 ha de forêt.

«Il y a un déficit par rapport à la norme nationale. Mais ce que nous avons pu réaliser, nous l’avons fait. Cette année, l’entretien des tranchées pare-feu n’a pas été entamé à temps à cause du retard mis dans l’acquisition du budget inhérent à ce chapitre», a déclaré M. Mahmoudi.

Le programme en cours concerne un reliquat des années 2012 et 2013 qui est en voie d’achèvement.

Ces travaux sont ventilés sur plusieurs directions comme celle de la DTP et sur les APC qui prennent en charge un total de 309,6 km de routes traversant les massifs forestiers, la création de 5,5 ha de tournières agricoles autour des exploitations céréalières par la direction de l’agriculture et l’entretien de lignes de haute tension par l’ex-Sonelgaz et, enfin, le nettoiement des accotements des chemins de fer.

Un avenant pour l’ouverture d’une dizaine de kilomètres et l’aménagement de 12 autres kilomètres ont été également inscrits. Dans le même programme, la Conservation des forêts est en train de réaliser les travaux sylvicoles sur 440 ha, l’entretien d’une centaine d’hectares de tranchées pare-feu, l’aménagement de 115 km de pistes forestières et l’ouverture de 34 autres kilomètres et la réfection d’un point d’eau ainsi qu’un poste de vigile.

Afin de mieux prévenir les incendies et booster l’action de prévention, il faudra également, selon notre interlocuteur, l’actualisation du plan d’aménagement qui s’avère dépassé, et ce, à l’image du plan d’action dédié à l’Akfadou qui date de 1980. Les données actuelles sur les reliefs ne sont plus les mêmes qu’il y a 35 ans.

Les ZIP épargnées

Rencontré dans son bureau, le directeur du Parc national de Gouraya (PNG), Tayeb Kerris, est sur le qui-vive. L’entrevue, qui se déroule dans un climat d’alerte après l’incendie de Gouraya, est entrecoupée d’appels radio qui annoncent un feu moyen, de RAS et par le responsable qui arrête volontairement la discussion pour s’enquérir des nouvelles du front auprès de ses hommes déployés sur le terrain.

Cependant, le directeur est rassuré. Fort heureusement la zone intégrée où se concentrent la végétation rare et les animaux du parc n’a pas été touchée.

Les zones importantes pour les plantes (ZIP), une sorte de laboratoire à ciel ouvert dédié aux observations scientifiques des plantes qui ne poussent que sur ce massif, ont été épargnées, se félicite-t-il, avant de reconnaître que «les hommes sur le terrain ont eu beaucoup de chance que le vent n’ait pas tourné vers l’ouest, surtout que les moyens de lutte de la Protection civile étaient éparpillés à travers la wilaya. Nous surveillions impuissants l’évolution du feu».

Par ailleurs, le responsable a indiqué: «Sur les 167 ha dévastés, on déplore la perte de 80 ruches et 50 ha d’arbres fruitiers, alloués aux habitants du parc dans le cadre du PPDRI, suivant la politique d’implication des riverains dans la protection de cet espace.»

La direction du PNG, qui manque cruellement d’effectifs, a même mobilisé le personnel administratif en plus de ses deux véhicules de terrain qui couvrent à eux seuls une superficie de 2080 ha. Le directeur raconte qu’il a eu même à «réquisitionner» des mulets appartenant à la voirie communale afin de transporter de l’eau au sommet du relief accidenté de Gouraya.

Quant aux perspectives, M. Kerris déclare que ses «services disposent d’une pépinière assez riche pour remplacer les plantes qui ont été détruites. Quant au couvert végétal, il se régénérera sans doute et très rapidement avec les premières pluies». Mais avant cela, la direction du PNG procédera à l’estimation des dégâts afin d’évaluer les pertes de plantes rares.




Conservation des forêts: Neuf véhicules pour 128.000 ha

D’aucuns savent que les premiers agents sur le lieu de déclenchement d’un feu sont les hommes de la Conservation des forêts à qui échoit la mission de surveillance et de procéder aux premières interventions. Néanmoins, les forestiers engagent le combat contre le feu avec un petit outillage (pelles, pioches…) et des véhicules 4x4 dotés de citernes pour de petits feux de forêt (CCFL), avant l’arrivée des pompiers qui sont beaucoup mieux équipés.

Les services des forêts ne disposent que de 9 véhicules pour intervenir sur un domaine forestier qui s’étend sur plus de 128.000 hectares. Une tâche difficile pour les effectifs de la Conservation des forêts qui évaluent leurs besoins à au moins une vingtaine de véhicules. La circonscription d’Akbou, par exemple, est dotée d’un seul véhicule qui doit assurer, dans le cas de plusieurs départs de feu, les premières interventions.

N. D.



Photo: L’incendie, qui a ravagé des dizaines d’hectares de la forêt du Parc national de Gouraya, a montré que le besoin en moyens aériens pour lutter efficacement contre les feux est plus que pressant

Nordine Douici

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