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Béchar, écrasée de lumière




Béchar, écrasée de lumière
Les paysages défilent désertiques devant nos yeux éblouis de tant de lumière. Dans ces contrées du Grand-Sud, la luminosité est tellement aveuglante, tellement présente qu'elle fait le bonheur des artistes. Béchar est lumineuse. Terre de vestiges préhistoriques et de gravures rupestres, elle a été l'objet de toutes les convoitises. La France coloniale en fera dès 1903 une subdivision de l'Algérie française sous le nom de Colomb Béchar et en 1958, elle fera partie du département de la Saoura. A l'indépendance, le Maroc revendiquera la région ainsi que celle de Tindouf, ce qui déclenchera la fameuse guerre des Sables vite repoussée par l'Algérie. Quand nous arrivons à destination, il fait déjà nuit dans la gare routière qui ressemble à toutes les gares routières du pays, mal éclairées, peuplées de voyageurs en partance ou en transit, de chauffeurs de taxi clandestins qui harcèlent les passants, d'odeurs de grillades... Nous quittons vite ce endroit sinistre et débouchons sur une large avenue généreusement éclairée et animée en cette soirée de printemps qui s'apparente aux nôtres dans le Nord quand l'été bat son plein. L'appel à la prière retentit très fort car nous sommes tout près de la grande mosquée de la ville. Un joyau architectural tout en ocre. Comme le lycée d'ailleurs et d'autres édifices respectueux des normes identitaires de la région. La ville est en effervescence et habillée partout des couleurs du club local, la JS Saoura, qui est en train d'accomplir l'exploit de figurer parmi les meilleures équipes du championnat en collant au leader de la Ligue 1. Le lendemain, nous effectuons le tour du propriétaire dans cette ville chaleureuse dans tous les sens du terme. Nous avons rendez-vous avec Slimane, vieux routier du journalisme sportif, vivant une paisible retraite dans sa maison alentour de Béchar et qui continue de faire des reportages pour la radio locale. Aujourd'hui, il part à Béni Abbès et nous propose de l'accompagner. Le café à peine avalé, nous voilà sur la route écrasée de soleil. Tout en conduisant de main de maître son vieux tout-terrain, Slimane parle en fin connaisseur de Béni-Abbès, appelée aussi « l'Oasis blanche ». Fondée il y a de cela très longtemps ? plus longtemps que Béchar ? par un patriarche venu de Sakia El Hamra du Sahara occidental, cette cité millénaire porte simplement le nom des enfants de cet aïeul, les enfants de Abbès. Mais avant eux, le territoire était habité durant la préhistoire, comme l'attestent les nombreuses gravures rupestres et la paléographie visible à l'entrée du lieudit Ghar Eddiba (la grotte de la louve) ainsi que l'existence de ruines curieuses jusque-là restées sans explication et des cavernes dont l'existence remonterait bien au-delà des juifs et des Berbères. Mais, nous disent les chercheurs, l'histoire de Béni-Abbès débute avec la légende de Sidi Othmane qui fit jaillir de l'eau en bénissant la région et en faisant une immense vallée verdoyante. Plus tard, les Ottomans s'y installeront et y construiront des ksour. Les alliances avec les populations locales donneront alors une importante tribu, celle des Ababsa. L'armée coloniale s'y installera au tout début du XXe siècle et la compagnie, forte d'une centaine de soldats, sera chargée de surveiller les confins algéro-marocains. Béni-Abbès sera la terre d'exil de nombreux militants nationalistes dont un certain Ferhat Abbas qui y séjournera à la fin des années trente en signe de représailles pour ses activités politiques. Lors du déclenchement de la lutte armée, le FLN, bien représenté dans la région, signera une série d'attentats ciblant les soldats français qui, bien sûr, se vengeront sur la population en expulsant les habitants de leurs ksours, les obligeant à l'errance. Nous arrivons à Béni- Abbès en milieu d'après-midi et Slimane doit travailler sur la saison touristique qui s'ouvre bientôt. La ville est telle qu'elle nous fut décrite, c'est-à-dire une immense contrée verdoyante. On apprend que de nombreux visiteurs viennent pour les fêtes religieuses et essentiellement le Mawlid Ennabaoui qui revêt ici un aspect festif et des réjouissances qui durent plusieurs jours. On y vient aussi pour les longues randonnées dans le désert à dos de chameau. Il existe aussi un tourisme scientifique drainé par le CNRZA (Centre de recherche en zoologie et archéologie) car la région n'a pas fini de livrer toutes ses richesses et ses vieilles pierres. En déambulant dans la ville, nous entendons un drôle de dialecte. Slimane, tout sourire, nous apprend que c'est le « gbour », berbère local qui a emprunté quelques vocables au français. Décidément, cette Algérie n'en finit pas d'étonner.



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