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CHANTS, DANSES, PEINTURE ET DIVERSES EXPRESSIONS ARTISTIQUES HIER À LA GRANDE-POSTE. Alger: les jeunes se réapproprient l’espace public




CHANTS, DANSES, PEINTURE ET DIVERSES EXPRESSIONS ARTISTIQUES HIER À LA GRANDE-POSTE.  Alger: les jeunes se réapproprient l’espace public




Alger se réveille de sa torpeur, sur les cris d’une jeunesse qui a soif de vivre.

Artistes en herbe ou confirmés, de simples badauds, la conviction en commun et l’engagement en bandoulière, étaient là, nombreux, à se réapproprier dans la joie les espaces publics.

Esplanade de la Grande-Poste. Un vent de révolte artistique souffle sur le centre d’Alger. L’espace ne suffit plus à contenir cette foule, tous âges confondus, venue prendre part au spectacle annoncé depuis déjà plusieurs jours sur les réseaux sociaux. Un spectacle de rue, voulu improvisé, spontané, mais que les pouvoirs publics ont pris le soin d’encadrer, voire carrément d’organiser. L’arrestation du jeune guitariste “Moh Vita Boy” par la police, il y a un peu plus d’une semaine, mobilise toujours.

La société civile veut prendre sa revanche. Les artistes veulent se réapproprier leurs espaces. Alger retrouve ses couleurs, une joie de vivre depuis déjà deux décennies éclipsée. Le rêve d’une jeunesse plane sur l’esplanade, à mesure que les gens affluent pour y prendre place. Une dizaine de groupes de musique sont à l’affiche. Chacun d’un style musical différent. C’est de la richesse artistique. La richesse d’une ville qui, il y a quelques jours pourtant, étouffait sous l’emprise de l’interdit et de l’archaïsme. Il a fallu un sursaut de jeunesse artistique pour que les voilà qui arrivent. De vieilles dames qui, de retour du marché, rentrent chez elles, marquent une halte pour humer le parfum de ce bonheur retrouvé.

De jeunes demoiselles en jean et tee-shirt s’abandonnent sur les escaliers de l’esplanade. De jeunes messieurs les entourent de regards pleins d’admiration. Ils se partagent l’espace dans la joie et le respect. Il n’y a point de préjugés. Pas même le moindre dépassement. Des enfants se précipitent sur les lieux. La curiosité et l’amusement se dessinent sur leurs visages. C’est qu’il n’y a pas que des groupes de chants. Il y a aussi des conteuses, des monologuistes, des artistes peintres et des danseurs. Il y a de tout pour faire une ville, mais à condition que la désormais tradition du samedi artistique se perpétue. Les “Fils d’Icosium”, un groupe de rock algérois, se produisent sont sous les regards émerveillés de la foule. En dignes descendants de Juba II, fondateur de l’Antique Alger, d’où Icosium, ils chantent en langue locale et populaire.

“Nous sommes des enfants issus de quartiers populaires, de pauvres conditions, certes, mais de dignes enfants de cette ville…”, lancent-ils d’emblée comme pour enflammer le public.

Le jeune bassiste, la vingtaine, avec son jean à la “seventies”, une barbe de communiste, impressionne la gent féminine avec sa voix rauque. À peine a-t-il quitté la scène, que quelques jeunes demoiselles lui courent déjà après. Mais voilà que le tour de la jeune et belle Rosa arrive. Elle n’était pourtant pas programmée. Son nom ne figure pas à l’affiche. Mais comme plusieurs chanteurs, pourtant inscrits, n’ont pas répondu présent, il y a de la place pour ces jeunes talents qui émergent. Ils tentent leur chance. Et ça marche plutôt bien pour Rosa qui interprète des chants kabyles. De la voix d’une future diva elle reproduit les plus belles chansons du célèbre Idir. Un groupe de jeunes garçons de l’Oranais prennent la relève du king de la chanson raï, Cheb Khaled. Sur les airs d’Aïcha et de Didi, la foule danse jusqu’à l’épuisement. Des femmes en foulard et en hijab sont de la partie. Elles ne se retiennent plus. Et pour une fois, pas le moindre regard accusateur ne pèse sur elles.

Pendant ce temps, le maire d’Alger, Hakim Bettache, se pointe. Il semble avoir gagné la sympathie des artistes de l’Algérois, après avoir délivré une autorisation à “Moh Vita Boy”, d’exercer son art dans la rue. Il prend place parmi cette jeunesse qui, un moment après, a presque oublié qu’il était là.

D’autres préoccupations obligent. Et les voilà déjà qui s’échangent des contacts. Des photos de souvenirs… et pourquoi pas pour la postérité. Un peu à l’écart de la foule, assises sur une marche surplombant la scène, de vieilles dames papotent. Leurs couffins abandonnés sur le sol, elles semblent revivre pour ne jamais rentrer de sitôt faire la cuisine.



Photo: Une foule, tous âges confondus, est venue prendre part au spectacle . ©Ryad Kramdi/Liberté

Mehdi Mehenni

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