Algérie - Marabouts

De Sidi Rached à Sidi Boumediene : Tlemcen et Constantine en communion


De Sidi Rached à Sidi Boumediene : Tlemcen et Constantine en communion


Heureuse coïncidence, cette visite dans la ville des Zianides intervient dans l'ambiance d'une grande fête où tout un charme s'exerce sur elle. Venant de la ville des ponts, Cirta la Numidienne, l'accueil qui nous a été réservé à Tlemcen est digne de cette cité si raffinée et si hospitalière.
Le mas'haf du Saint Coran de sidna Othmane au Méchouar
Tlemcen la Zénatienne a fait peau neuve à l'occasion. La voilà entourée du Méchouar sur lequel on peut reconnaître le sanctuaire de Sidi Hacène El Ghomari, saint personnage de la tribu des Ghomara ayant vécu au neuvième siècle de l'Hégire, lui donnant l'image d'une cité restaurée pour rappeler son passé glorieux. C'est dans les édifices splendides du Méchouar que certains écrits confirment l'existence d'un exemplaire du Mas'haf du Saint Coran écrit de la propre main du calife Sidna Othmane.

Raffinement de deux cités jumelles
Constantine si proche et si lointaine de sa jumelle Tlemcen la Perle du Maghreb, la Grenade d'Afrique, ne sont-elles pas deux médinas aux riches traditions millénaires de la culture et des arts ? Rien d'étonnant lorsqu'au regard de l'histoire, on retrouve les traces d'une généalogie commune où jadis les souverains de Tlemcen du temps des Mérinides assiégèrent Constantine et que les Hafsides de Constantine eurent à passer un temps à Tlemcen.
Tlemcen se ressource dans son passé. Comme Constantine, sa préhistoire fait état des hommes qui l'ont habitée, comme l'attestent les grottes au faubourg d'El Kalâa sous le plateau de Lalla Setti et au village des Béni Boublane. Il faut peut-être juxtaposer la citadelle de Massinissa, cette cité jadis très riche, appelée Opulent essima où les rois numides avaient installé leur résidence. Celle de Tlemcen qui, à partir de l'époque romaine, aura pour nom Po maria ensuite Agadir.
Valeurs intellectuelles des cités de la science
Tlemcen et Constantine, deux cités où se sont développées la rhétorique, la théologie et les sciences. On retrouve les valeurs intellectuelles de deux villes jumelles. Certainement l'Andalousie avait pesé sur Tlemcen du temps de la suzeraineté des Omeyyades à Grenade et à Cordoue.
C'est sous Youcef Ibn Techfine que les Al Mourabitoun allaient, depuis Tagrart, installer un islam ascétique. Il est vrai que El Bekri, El Idrissi, Ibn El Athir avaient décrit Tlemcen dans leurs voyages. Mais il revenait à l'historiographe des rois de Tlemcen, Yahia Ben Khaldoun, de décrire, dès la seconde moitié du XIVe siècle, Tlemcen dans les moindres détails. Mais l'Histoire est un éternel recommencement puisque le chef des Almohades Ibn Toumert jouera un rôle de réformateur religieux et investit Abdelmoumen, un Berbère de Nédroma. Il sera d'ailleurs une grande figure du moyen-âge musulman.

Un même rameau généalogique
Alors que vers l'Est du pays à Constantine, une autre lignée princière, celle des Hafcides, rameau détaché du grand arbre des Almohades, héritiers de la suzeraineté des califes exerçant sur Tlemcen, a régné sur plus de trois cents ans, les Abdelwadides ou Zianides élevaient Tlemcen à la dignité de ville royale et vont marquer à jamais cette belle ville sous la direction de l'illustre Yaghmoracen sans doute en langue zénète « Amghar Hassan ».
Yaghmoracen avait achevé l'œuvre de ceux qui l'ont précédé. Son règne durera quarante-sept ans, de 1235 à 1282. Il assurera la stabilité et la continuité de son action donnant à sa capitale la prospérité économique et le rayonnement culturel d'une cité intellectuelle. Il sera enterré à El Eubbad. Tlemcen s'affirme comme un pôle de la science et des arts.
Avec les Turcs, qui sont venus libérer des mains des Espagnols, Abou Ziane, récit rapporté dans le livre El Bousten d'Ibn Mériem qui écrivit, pour la plus grande gloire de sa ville natale vers le XVIe siècle, toute une compilation des savants de Tlemcen.
Dans cette cité des saints et des grands penseurs de la mystique et de la théologie, on peut citer Sidi Senoussi, qui laissa après sa mort une quarantaine d'ouvrages où la médecine, l'astronomie, la logique, la grammaire voisinaient avec la doctrine soufie. Toutes ces disciplines étaient à l'honneur. Abou El Abbas fit bâtir le mausolée de Sidi Lahcen, mort en 1453. De Sidi Abdellah ben Mansour à Sidi Mohamed Ben Ali, on y affirme qu'ils sont de la lignée du Prophète Sidna Mohamed (QSSL). Ils descendent de Soleiman, frère d'Idriss de Fès, installé à Tlemcen il y a plus d'un millénaire.
Sidi Boumediene, moudjahid d'El Qods
On ne peut pas parler des saints de Tlemcen sans évoquer Sidi Boumediene, ce grand moudjahid qui a perdu son bras à El Qods contre les croisés et dont un medh lui a été consacré et chanté à ce jour. Il ne reste plus que le plateau rocheux de Lalla Setti, cette sainte dame qui domine au sud la ville de Tlemcen et de Mansourah, qui viennent d'être réaménagées à l'occasion de l'importante manifestation de l'Année de la culture islamique.
Autrefois ville des sources et des cascades où l'eau murmure avec le chant du rossignol, Tlemcen, avec ses belles mosquées et ses superbes minarets, reste la ville des croyances, des mœurs et coutumes dont les légendes locales sont versifiées dans des poésies populaires.
Exalter l'intelligence et féconder l'imagination
Tout cela donne à la pensée sa plénitude qui exalte l'intelligence et féconde l'imagination des qsida avec refrain et rimes variant dans l'alternance des voix et des instruments au son du rbab et de la kouitra. Qui n'a jamais fredonné les textes du hawzi écrits par les chantres de Tlemcen tel Ibn Msaïb, le plus admiré et le plus aimé des Tlemceniens ? Lui qui nous a laissé un recueil de poèmes dont celui écrit au début du XIIe siècle de l'Hégire sur Aouicha à partir de son quartier des H'dars appelé Bab Zir. Sans oublier Mohamed Bensahla et Sidi Ahmed Ben Triki – ce dernier, mort au début du XVIIIe siècle, a chanté la beauté de sa ville et pleuré son exil.
Tlemcen ou l'aube printanière de l'islam
De son génie poétique et parmi de nombreux poèmes, un extrait traduit de ce chant dans le mode mezmoum, zidane et mouwwal dans l'école de Tlemcen, il s'agit de Tabassamou Dhakou Ghoussouni Al Likah (Les fleurs des plantes sourient / Elles charment quiconque aime avec ardeur / les oiseaux débitent dans leur langage harmonieux / les chants mélodieux et les sons agréables / Le Printemps revient, il va couvrir la terre d'une parure et répandre un nouveau parfum / Gloire à Dieu qui l' a dotée de ce grand pouvoir / de donner à la Nature une beauté éclatante). Il revient au grand chantre de Tlemcen, ce contemporain qui a représenté l'Algérie en 1932 au 1er Congrès de la musique arabe au Caire, je veux parler du cheikh Larbi Bensari qui a porté les chants du terroir au cœur du monde arabe.
Sublime ressourcement
Que de similitudes entre Constantine et Tlemcen, cité du malouf et cité du gharnati. Les plus beaux textes de la musique andalouse font école. La magie de la prosodie arabe dans une parfaite harmonie du verbe et de la note. Mais c'est surtout ce med'h ou panégyrique à la gloire du prophète Sidna Mohamed qui nous élève dans une sorte de mystique par les sublimes gestes au culte des Awlyas Salihine marquant d'une voix ardente les prières à Dieu pour mériter les délices éternels du Paradis 
B. H.
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