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Générosité entre sagesse et démesure



Générosité entre sagesse et démesure
Le documentaire s'est distingué dimanche dernier avec la projection en compétition de trois films, un du Mexique, le second de la Rasd et le troisième des USA et du Nigeria, avec comme clé le rythme de soi, à soi et à l'Autre...La septième édition du Festival international du cinéma d'Alger dédié au film engagé continue à nous émerveiller et à nous surprendre en programmant des films à la thématique bien singulière et dont le traitement du sujet semble bien décalé. On citera tout d'abord Ledjouad de Gonzalo Moure et Limam Bohisa de la République arabe sahraouie. Non, ce film n'est pas un énième plaidoyer pour une certaine légitimité territoriale comme nous nous sommes habitués à le voir ou à l'entendre dans certains documentaires. Certes, l'engagement est là, mais ce dernier s'annonce d'emblée comme un souffle de vent insaisissable où le maître-mot est le poème, ou comment partir dans un voyage initiatique à la recherche de la source de la poésie. Celle-ci prend ses racines dans les merveilles architecturales naturelles que Dieu a bâties dans le sable. Il s'agit de cette montagne rocheuse appelée Adjwed qui veut dire généreux. Aussi ce film donne à voir et à ressentir plutôt la culture de cette population bien ancrée dans sa terre et dont l'identité est plus qu'une géographie ou un nom sur un passeport, mais bel et bien une notion immatérielle comme l'est la beauté insaisissable de ce qui nous entoure, comme paysage et souffle de Dieu. C'est ainsi que ce film commence. En nous prenant en son sein à bord d'un camion avec quatre hommes, des poètes en direction de la mère poésie afin de sonder sa propre identité, son âme sahraouie jusqu'au bout des rimes et des lumières qui se lèvent derrière le coeur des pierres. En effet, Limam Bohisa, poète sahraoui vivant à Madrid, retourne au Sahara occidental pour y retrouver son inspiration. Ce voyage des plus personnels tend à pousser l'homme à se retrouver allant vers les autres afin de reconquérir cette part de lui qui manque. Dans le film, il se pose en effet ces questions existentielles sur le qui suis-je là-bas et ici' Un Sahraoui tout court. Il appelle ainsi à l'unité de ce peuple et de là, partant à la reconquête de son identité perdue. Sur place, Hamida Abdullah lui raconte le chemin parcouru avec le philosophe Mohamed Salem et le poète et érudit Bonnana Busseid jusqu'à Ledjouad, au coeur de Tiris, terre ancestrale des hommes du livre. Là, réside la genèse de l'identité du peuple sahraoui, telle que décrite par Badi Mohammed Salem, doyen des poètes sahraouis. Engagé dans sa quête, Limam Bohisa entreprend un voyage plus émouvant qu'éprouvant qui nous amène à découvrir de larges pans de la culture populaire du peuple sahraoui. A Adjwed, le poète Sidi Brahim, qui attend sous sa tente, devient le guide d'un univers nourri de mythes anciens, de superstitions, liées à des djins du désert. Un film presque en carte postale qui prend le parti pris de mettre en avant la culture du peuple sahraoui, bien qu'il nous laisse tout de même sur notre faim. Il y a dans ce film une certaine forme de sagesse toutefois propre à ces aèdes du désert, qui se résout à tout mettre entre les mains de Dieu, tout en invoquant sa bienveillance et sa bonté à travers sa création qu'est l'enchanteresse Adjwed. Mais la réalité sur le terrain, à côté, que nous avons, n'est pas si paisible que ça....Car derrière cette fausse sérénité désarmante, il y a la douleur tuante d'un peuple spolié depuis des années. Dans un autre registre, loin de la résignation ou de la sublimation poétique, il y a ces femmes qui sont nées pour accomplir une mission, croient-elles, sur Terre, comme venir en aide aux migrants qui traversent les USA, partant des villages du Mexique, sur le dos de trains. Ces femmes courages appelés «Patronna» préparent à manger pour ces jeunes garçons, ces derniers à leur grand dam, volent presque cette nourriture alors que le train passe en toute vitesse. Ces femmes ne se contentent pas de les nourrir, mais les prennent en charge parfois et participent à les soigner quand ils tombent, se blessent ou il leur arrive des ennuies. Elles collaborent ainsi dans un total respect mutuel avec les organismes chargé des migrations et principalement clandestines. Leur travail sur le terrain est remarquable et mérite tout le grand respect, y compris de la part de nombreux faux dévots musulmans. Des femmes à prendre en exemple. Elles sont véritablement l'illustration parfaite de la charité chrétienne envers autrui. Leur don de soi est d'autant plus noble car elles sont tout cela de leur propre chef sans avoir à gagner de l'argent. Un film documentaire fort qui décrit, relate et montre ces femmes dans leur quotidien oiseux mais dur pour venir en aide à moins accompli que soi. Des anges presque tombés sur terre. Enfin l'engagement lors de cette journée de dimanche 4 décembre dernier a été étayé en image à travers la vie et le parcours du grand musicien nigérian feu Fela Cuti, via un documentaire de 19 minutes appelé Finding Fela. Présenté d'emblée comme un homme dangereux, mais avant-gardiste aussi bien en termes de composition musicale que dans la manière de vivre, Fela Cuti est dévoilé grâce à une comédie musicale que Broadway est en train de monter. Ainsi, au fur et à mesure que nous assistons à la création de ce spectacle, nous découvrions les multiples facettes de cet homme, grand musicien, artiste engagé, amoureux des femmes mais arborant un discours sans faille pour une Afrique debout et toujours combative qui ne doit pas fléchir mais qui doit continuer l'oeuvre des Black Panthers en réinventant sa propre destinée. Aussi, dira-t-il lors d'une interview «la musique ne doit pas servir à divertir, mais à apporter le changement.La musique est une arme..». Alternant les images d'archives avec celles des témoignages de ses anciens compagnons de route, mais aussi du directeur artistique de la comédie musicale, ce film nous émerge de plain-pied dans la vie pas si reluisante qui multipliera les frasques, surtout après la mort de sa mère qui était un modèle de droiture pour lui. Fela homme finira par mourir du sida. Sa mort est accueillie par un au-revoir massif de la population qui viendra saluer une dernière fois la mémoire de cet homme pas comme les autres.
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