Algérie - Revue de Presse

L’abbé Alfred Berenguer (1915-1996)


Un prêtre au service de l’Algérie combattante Cela fait déjà dix ans que le prêtre, humaniste et militant de la cause algérienne, l’Abbé Berenguer, est mort (le 14/11/1996) à Aix en Provence (France), alors en traitement médical spécialisé, et inhumé au cimetière chrétien de Tlemcen le 19/11/1996 en présence des autorités civiles, militaires, religieuses, musulmanes et chrétiennes, du wali de Tlemcen et de nombreux amis… Prêtre, il fut un défenseur infatigable du peuple algérien dont il se considérait partie intégrante malgré les incompréhensions de certains de ses paroissiens et surtout de l’administration coloniale d’alors qui le suspectait être réfractaire à l’ordre établi. Il était né le 30 juin 1915 à El Amria (ex-Lourmel) dans la wilaya d’Aïn Témouchent, de parents espagnols, ouvriers agricoles. Il vivra d’abord dans son village natal, puis à Arzew et Frenda, au gré des déplacements de ses parents dans les fermes des colons. Ses contacts directs avec les jeunes algériens musulmans, de son âge, généralement très pauvres, lui feront découvrir l’autre, aiguiseront sa conscience, préfigurant aussi son engagement futur au service des déshérités, ses frères algériens.Si biologiquement il est Espagnol, culturellement Français, il est Algérien par la naissance et par patriotisme, répétant souvent: «Je suis né en Algérie, j’ai voulu vivre ici. Ici c’est ma terre, c’est la patrie que j’aime». D’ailleurs son itinéraire religieux, social et politique confirme ses convictions au service des autres sans distinction de race et de religion. Pour être conforme à son attachement à son pays natal, déjà au grand séminaire d’Oran, alors qu’il se préparait à la prêtrise, il s’est distingué par l’approfondissement de l’histoire multiséculaire de l’Algérie. Dès 1936, alors jeune prêtre, il s’engage publiquement pour dénoncer l’ordre colonial par la parole, dans ses prêches et par écrit dans la revue engagée, Simoun. Il veut être conséquent à son enseignement évangélique en dénonçant les injustices sociales criardes qu’il côtoie quotidiennement auprès de la population algérienne musulmane. Dès cette époque, il sent et constate que le monde évolue et que l’avenir ne peut être que dans une convivialité de tous les habitants de l’Algérie sans quoi l’irréparable est à craindre d’autant plus que les conflits coloniaux, les revendications nationales commencent à éclater à travers le monde. Alors qu’il était curé à Remchi (ex-Montagnac) dans la wilaya de Tlemcen en 1954, la révolution du 1er Novembre débute, s’intensifie chaque année pour déboucher sur l’indépendance, sept ans et demi après. Pour l’abbé Berenguer, l’engagement auprès des déshérités s’impose à lui comme un appel au secours de sa patrie, l’Algérie, en aidant les familles des emprisonnés politiques ou de ceux qui ont rejoint le maquis. Dénoncé, il sera expulsé d’Algérie en 1958 et se met à la disposition du Croissant rouge algérien qui le délègue en Amérique latine pour faire connaître le bien fondé de la révolution algérienne et recueillir des fonds pour les réfugiés algériens du Maroc et de la Tunisie, ayant fui la guerre d’indépendance. Il sera en fait un ambassadeur itinérant du GPRA (Gouvernement Provisoire de la République Algérienne) en Amérique latine. Prêtre en soutane, parlant espagnol, sa langue maternelle, il a su inciter à la sympathie pour la cause algérienne dans les pays latino-américains parlant eux aussi espagnol. Des comités de soutien se créent, à son initiative, pour donner plus d’ampleur au combat des maquisards algériens. C’est grâce à lui, en influençant certains représentants des pays d’Amérique su sud, qu’en 1958 la question algérienne a été inscrite à l’ordre de l’assemblée générale de l’ONU. D’ailleurs, en 1966, il publiera à Alger, à la SNED, un livre souvenir de son séjour en Amérique du Sud où il décrit avec émotion et passion son action en faveur de l’Algérie en lutte pour sa liberté. Le titre du livre, «Un curé d’Algérie en Amérique latine», est en lui même tout un programme. Il fera face à toutes les embûches, menaces: les Ambassades de France dans ces pays tentent de le discréditer ou de le dévier de son chemin et de son engagement, mais sans succès. Après l’indépendance de l’Algérie en 1962, il est élu député à l’Assemblée constituante mais, en 1965, il reprend son ministère de prêtre à Oran. En 1991, il prend sa retraite en raison de son état de santé et se retire à Tlemcen pour s’adonner à la prière et à l’écriture. Il publie en avril 1994 un livre autobiographique sur son parcours d’humaniste et de militant au service de l’Algérie, intitulé «En toute liberté» (édition Centurion, Paris). Ce livre participe à l’écriture de l’histoire de l’Algérie contemporaine. En 1996, il est évacué d’urgence d’Oran sur la France pour des soins médicaux spécialisés. C’est à Aix en Provence qu’il meurt le 14/11/1996 et sera enterré quelques jours plus tard à Tlemcen suivant son ardent désir. Le 01/11/1998, sur proposition de l’Organisation nationale des anciens Moudjahidin, l’APC d’Oran donne le nom d’Alfred Berenguer à une rue d’Oran qui relie la place du Maghreb au boulevard Emir Abdelkader au centre-ville, en reconnaissance de son passé au service de ses concitoyens et de sa participation active à la libération de l’Algérie. L’abbé Berenguer, comme d’autre religieux catholiques après lui, à l’instar du cardinal Duval ou de Monseigneur Scotto, ont tissé, par leurs actions généreuses, des passerelles entre l’Algérie et la France pour que l’amitié et le respect de l’autre soient les ciment d’un humanisme fécond au service de l’homme, des peuples et aussi de la paix mondiale. C’est pourquoi les générations futures ne doivent pas ignorer de tels hommes qui ont su suivre et comprendre le sens de l’histoire, mus uniquement par leur foi profonde et sincère.   Rahal Redouane Avocat


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