Algérie - Bou Ismail

La station expérimentale d'aquiculture et de pêche de CASTIGLIONE


En 1921, la Direction de l'Agriculture au Gouvernement Général de l'Algérie décidait la création, à 45 km. à l'ouest d'Alger, à Castiglione, d'un laboratoire exclusivement consacré aux études de biologie appliquée à la pêche.

La grande richesse ichtyologique des eaux algériennes est représentée par les espèces de poissons de surface dites « périodiques » dont l'ensemble est désigné par les pêcheurs sous le nom de Poisson bleu. Il était nécessaire de porter ses efforts sur l'étude des Sardines, des Sardinelles, des Anchois et aussi sur celle des Maquereaux, des Bonites et des Thons. Il fallait absolument intensifier la pêche de ces poissons et également développer les moyens de les utiliser.

Le point choisi pour l'édification des bâtiments se justifiait par l'existence de centres actifs de pêcheurs au poisson bleu (Chiffalo, Bou-Haroun, Castiglione) et par la présence d'usines de conserves dans cette région.
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Vue extérieure de la Station d'Aquiculture ; le docteur Dieuzeide dans son laboratoire ; le laboratoire. (Clichés OFALAC)
De haut en bas : Vue extérieure de la Station d'Aquiculture ; le docteur Dieuzeide dans son laboratoire ; le laboratoire. (Clichés OFALAC)

ORGANISATION GÉNÉRALE DE LA STATION

La Station Expérimentale d'Aquiculture et de Pêche, qui, au point de vue administratif, dépend de l'Inspection Générale de l'Agriculture, comprend un vaste bâtiment situé un peu en arrière du Domaine maritime, à 40 mètres environ du bord de la mer, au milieu d'un hectare de dunes actuellement consolidées par des plantations. On y a installé des laboratoires bien outillés, une bibliothèque qui s'est enrichie beaucoup plus par voie d'échanges que par achats, une salle de collection où sont conservés les échantillons recueillis.

Dans les sous-sols, bien aérés et éclairés, se trouvent deux grandes salles d'aquarium de capacités diverses, allant de 1 m3 à 3 m3, où sont entretenus les habitants de la faune marine et fluviatile régionale. Une série de dix petits bacs à eau de mer permet de faire vivre et d'étudier les animaux de faible taille ramenés par les dragages. Des bassins d'eau douce servent à l'exposition soit de poissons d'ornement, soit d'espèces qui habitent nos rivières d'Algérie.

Un atelier de mécanique avec tour, perceuse,meules, etc..., rend possible, sur place, la réparation des pompes et des moteurs, la confection d'instruments de recherches en mer ou d'expériences.

Il existe, en outre, une salle du froid avec machines frigorifiques permettant d'obtenir des températures de — 25°C , une verrerie richement pourvue, une salle de triage. Le tout est complété par un laboratoire de photographie.

L'eau de mer et l'eau douce sont refou­lées par une station de pompage dans des cuves situées au sommet d'une tour de 15 mètres de hauteur. Cette installation permet la distribution de l'eau sous pression à tout l'établissement.

Une salaison expérimentale a été édifiée en 1942 afin de poursuivre des recherches sur la conduite rationnelle des opérations de conservation par le sel.

Un port-abri est utilisé comme garage pour les embarcations du laboratoire repré­sentées par deux vedettes à moteur, l'une de 10 mètres, l'autre de 5 mètres. On y range également les barques et les outils de pêche encombrants: filets, nasses, dragues de toutes sortes.

L'AQUARIUM

L' AQUARIUM constitue pour les chercheurs des laboratoires un instrument où ils peuvent observer et étudier les moeurs des animaux marins. Mais il répond également à une nécessité de vulgarisation scientifique.

Il est ouvert au public les jeudi et dimanche et connaît, principalement aux beaux jours, une affluence de visiteurs qui témoigne de l'intérêt que les Algériens por­tent aux choses de la mer.

On s'attache à y présenter, non pas les espèces rares, mais bien les formes qui vivent dans les eaux du voisinage et qui, capturées par les soins du laboratoire, offrent l'attrait d'une faune régionale.

Des bacs de Labridés aux brillantes couleurs (Labres, Crénilabres, Girelles) attirent tout d'abord les re­gards. Ce sont les habitants de la Prairie de Posidonies qui est le « Jardin d'enfants », selon l'expression consacrée, où la plupart des poissons viennent passer leur stade de jeunesse.

Puis les Sparidés sont largement représentés avec les Pagres, les Pageaux, les Sargues divers, les Oblades, les Daurades, les Denti. Les Mérous de grande taille, les Abadèches voraces sont mis à part, cependant que des bassins sont consacrés aux Congres, aux Murènes et que d'autres contiennent des Pastenagues, des Raies, des Torpilles. D'autres, enfin, sont réservés aux Mulets dorés, aux Dactyloptères aux longues ailes azurées.

D'énormes Gastéropodes, les Tritons, des Langoustes, des Cigales, des Homards, voisinent et font bon ménage avec les Rascasses grises ou rouges, immobiles, mais aux aguets, qui se confondent par mimétisme avec les rochers contre lesquels elles se plaquent étroitement.

Les grandes tortues marines, les Caouannes, ont un grand bassin pour elles seules.

Les poissons d'eau douce, nés pour la plupart dans des bassins d'élevage garnis de Nymphaea et situés à l'extérieur, sont également repré­sentés dans l'Aquarium. Signalons entre autres : les Truites arc-en-ciel du barrage du Ghiih, les Tellia apoda des eaux chaudes de Batna, les Tilapies de Zill, des Khandegs de Touggourt, les Cyprinodons ibériques de Chellala, les Cyprinodons Rubanés du département de Constantine, etc...

Le rôle éducatif d'une semblable collection n'a pas échappé aux membres de l'Enseignement qui organisent, de temps en temps, des visites pour leurs élèves: Ecole Normale d'Instituteurs, Lycées, Ecoles communales d'Alger ou du département. Les étudiants de nos Facultés y viennent en excursion dirigée pour compléter leur connaissance des animaux. Ils usent très largement des ressources de la Station de Castiglione pour leurs travaux pratiques.

LES TRAVAUX DE LABORATOIRES

Le véritable travail de la Station est celui qui s'effectue soit en mer, soit au laboratoire, Il est beaucoup moins connu du public ; il ignore la réclame tapageuse.
La Station se trouvant dans un centre où les Clupéidés et les Scombridés abondent devait s'attacher aux recherches concernant le poisson bleu.

L'étude de la sardine et de la Sardinelle demeure une préoccupation principale de ce laboratoire. En dehors de ce que nous avaient appris les travaux de biologie se rapportant à la sardine de la côte méditerranéenne française, ou encore ceux des spé­cialistes d'Espagne ou d'Italie, nous savions fort peu de choses au sujet du comportement de ce poisson sur nos côtes algériennes.

Nous avons tout d'abord cherché à déterminer le type de la race locale de sardine, sa vitesse de croissance et les modifications survenues au cours de cette croissance, dans les proportions du corps et dans le poids. Des méthodes bio­métriques et scalimétriques, conformes à celles qui ont servi à l'étude des races de sardines des côtes de la métropole et d'Espagne, ont été employées.

On a donc examiné et me­suré un très grand nombre de poissons, en échelonnant l'étude sur tous les mois de l'année, afin d'établir une statistique concernant la taille, le sexe, l'âge des sardines pêchées. Afin de tirer parti des chiffres recueillis, on a employé la méthode de la « statistique de variation », en s'inspirant de publications russes récentes et s'adjoignant le précieux concours d'un mathématicien rompu aux travaux du calcul des probabilités.

Les écailles de la sardine algérienne, étant donné le peu de rigueur de nos hivers, n'ont pu fournir les indications que l'on attendait sur l'âge des poissons, par l'examen microscopique direct. Il a fallu rechercher une autre méthode : celle de la lecture des accidents de l'écaille grâce à la lumière polarisée (d'après Savage) qui a donné d'importants résultats.

En combinant ainsi l'étude des proportions du corps et celle de la formule vertébrale, on est arrivé à montrer, pour une région donnée, l'homogénéité de la population sardinière.

A côté de cette étude scientifique, la partie pratique ne fut pas négligée. Le laboratoire s'est fortement attaché, parfois au milieu de la désap­probation générale des pêcheurs, des usiniers, des dirigeants, à démontrer que la pêche au feu était le seul moyen d'intensifier la pêche à la sardine, sans pour cela « détruire les fonds, faire fuir le poisson à jamais » comme on l'en a accusé. De nombreuses sorties, soit avec des lampes de surface, soit avec des lampes électriques sous-marines, nous ont permis d'affirmer que la pêche à l'aide d'un foyer lumineux était absolument inoffensive lorsqu'elle était pratiquée par des fonds suffisants pour ne pas attirer le poisson sédentaire.

Les Algériens n'ont certainement pas oublié les polémiques perpétuelles de ces dernières années entre partisans et détracteurs de la pêche au feu. Il aura fallu entrer dans la période dure que nous vivons pour que cesse, contre ce mode de capture, une hostilité qui ne pouvait se justifier par des raisons scientifiques.

La Station a étudié le fonctionnement d'un filet tournant de type américain, le ring-net. Pendant des années, elle en a préconisé l'emploi pour suppléer au faible rendement du filet de maille ou sardinal, et pour remplacer l'engin si destructeur qu'est le lamparo.

Dans un travail d'ensemble récemment paru, la Station a résumé ce qu'il fallait faire pour développer la pêche au poisson bleu sur nos côtes, richesse à peine exploitée, parce que les habitudes routinières de nos marins viennent freiner toute tentative d'innovation.

Des études ont été également faites sur le Thon ; des recherches sur la biologie de l'Anchois et des Sardinelles ont permis d'amasser de fort nombreux documents.

La conserverie

Le laboratoire est souvent consulté par les usiniers de conserves de poissons sur les sujets les plus divers touchant à leur indus-trie : préparations variées, huiles, stérilisation surtout.

Des formules de conserves de crevettes ont été fournies par la Station et la préparation des crevettes roses ou rouges a été faite, selon ses recettes, dans certaines usines.

Par contre, le Service de la Répression des fraudes fait souvent appel au laboratoire au sujet des conserves de poissons douteuses.

La standardisation des conserves de poissons

A Station de Castiglione a été chargée par des expertises de standardisation des conserves de poissons. Elle contrôle également la stérilisation de ces produits.

L'idée d'utiliser ce que les fabriques de con-serves ne peuvent employer au moment des pêches trop abondantes, nous a guidés vers des prépara­tions temporaires de sardines, permettant au pois-son de voyager pendant un certain temps. Cette idée de conserves temporaires est à reprendre, au cas où l'intensification de la pêche ne serait pas suivie par un développement concomitant de l'industrie sardinière et permettrait ainsi d'expé­dier le trop-plein soit vers nos populations de l'intérieur, soit vers la métropole.

Salaisons

L' INDUSTRIE des salaisons de poissons avait connu en Algérie un développement important aux alentours de 1936. Pendant la guerre, la pénurie d'emboîtages métalliques, la limitation des quantités d'huiles allouées aux conserveurs amenèrent une extension considérable de la conservation du poisson par le sel.

La demande de produits ainsi préparés crois­sant de plus en plus, le nombre des saleurs devint quelque peu inquiétant, d'autant que la plupart d'entre eux, n'étant pas du métier, mettaient dans des emballages quelconques beaucoup de sel et très peu de poisson.

La Station fut chargée de participer à l'élaboration des textes organisant la profession, édic­tant certaines règles de technique et préconisant des mesures élémentaires d'hygiène.

En outre, grâce à la création d'une salaison expérimentale, on put suivre, au point de vue scientifique, la marche de la « maturation » du poisson préparé selon la méthode sicilienne. Cette maturation résulterait de fermentations que l'on fut conduit à diriger. Les produits ne pouvant être exportés que « finis », on introduisait du nitrate de potasse dans les préparations dites « anchoitées » afin de hâter la transformation de la chair du poisson et l'on démontra que, grâce à des microbes dénitrifiants se développant à une température optima, on pouvait obtenir en 45 jours d'excellentes salaisons qui, normalement, mettaient plusieurs mois à être terminées.

Un « Essai sur la technique des salaisons de poissons » fut publié par les soins du Gouvernement, sous la signature du docteur Dieuzeide et de M. Novella.

Le fumage du poisson

PENDANT la guerre, une industrie nouvelle se développait en Algérie, celle du poisson fumé. Les produits obtenus par des méthodes non appropriées à notre pays, chaud et humide, furent, au début, de très mauvaise conservation.

La Station ayant construit un four modèle et expérimental a mis au point une technique très sûre dont s'inspirèrent les saurisseurs d'Algérie et même du Maroc.

Une publication du Gouvernement Général (Dr R. Dieuzeide et A. Mercier : « Le Fumage du Poisson » contribua à répandre les procédés de saurissage applicables à nos régions.

Les huiles de poissons

L'ALGERIE, pendant les hostilités, manqua brusquement de corps gras pour « nourrir » les cuirs destinés en particulier à la bourrellerie. La Station s'occupa de l'extraction des huiles des têtes et déchets de sardines inemployés dans les usines de conserves de poissons et dans les salaisons.

Elle organisa, avec l'Office du Cuir, un système de collecte. Elle détermina certains industriels à préparer ces huiles.

Par des essais expérimentaux, elle détermina le taux d'extraction.

Les produits résiduels déshuilés, puis desséchés, ont fourni d'excellentes farines de poissons pour la volaille et pour l'élevage des porcs. Les maisons d'engrais, qui manquaient d'azote pour leurs produits, les utilisèrent également.

Enfin, la Station s'occupa des huiles de thon et des huiles de squales, riches en vitamines, que le laboratoire de physique de la Faculté de Médecine d'Alger étudia au point de vue de la détermination de vitamines « A ».

ETUDES SUR LE FROID ET EXPERIENCES DE CONGELATION DE POISSONS ET DE CRUSTACES

NOUS avons parlé plus haut de la pêche au feu et nous avons dit que les objections qu'on lui opposait n'avaient rien à voir avec des précisions scientifiques. En effet, on lui reprochait surtout de permettre de trop abondantes captures, ce qui faisait effondrer les cours. L'usinier ayant sa fabrique engorgée refusait le poisson ; le marché était saturé et on assis-tait à des scènes inadmissibles et lamentables de rejet du poisson à la mer. On concluait de la façon suivante : le poisson pris « au feu » est inutilisable. On est obligé de le jeter à l'eau. En réalité, il était simplement « inutilisé ».

A notre idée, le froid devait être le grand régulateur du marché. La Station fut équipée d'une machine frigorifique qui nous permettait d'obtenir des froids atteignant 25° au-dessous de zéro et, grâce à elle, nous avons pu faire des expériences fort intéressantes de congélation de sardines. Nous avons également étudié l'action de la glace sèche ou neige carbonique, grâce au concours des dirigeants de la Société L'Air Liquide.

Les résultats furent très probants. Au bout d'un mois, des sardines congelées à coeur et conservées en chambre froide aux alentours de — 8" purent être usinées, mises en boîte, et il devint difficile, au point de vue organoleptique, - de les distinguer de celles qui, servant de témoins, avaient été mises dans des boîtes à l'état frais.

L'usine pourrait, si un frigorifique important y était annexé, acheter toute la production au moment des fortes pêches et l'usinier, peu à peu, donner ainsi à son personnel un travail régulier. Ou bien, le pêcheur pourrait stocker son poisson dans des docks frigorifiques coopératifs et le vendre au fur et à mesure des demandes.

Enfin, des essais timides de transport du poisson bleu à l'intérieur de l'Algérie furent tentés autrefois.

Le poisson congelé voyage fort bien, à la condition de prendre quelques précautions élémentaires, et il serait ainsi possible de le trans­porter sur les marchés arabes de l'Algérie où il constituerait un apport précieux de matière alimentaire.

Les crevettes de nos côtes peuvent aussi se conserver par le froid et faire l'objet d'une exportation ; le seul obstacle à la réussite totale est leur noircissement léger. On y remédie facilement d'ailleurs en les acidifiant légèrement par un jus de citron. On y pare également en les faisant cuire à l'eau rapidement.

Malheureusement, le froid coûte cher et, comme nous le disions plus haut, les installations pourraient être faites sous la forme coopérative.

LA RÉGLEMENTATION DES PECHES MARITIMES

LA Station de Castiglione représente le Labo­ratoire auquel s'adresse l'Inscription Maritime chaque fois qu'un règlement concernant la pêche doit être étudié.

On a beaucoup écrit sur la pisciculture et la piscifacture marine, en vue de repeupler les fonds, et on s'est aperçu que c'était là un leurre. Ce qu'il faut surtout, c'est une surveillance sérieuse, afin de faire appliquer des règlements qui, contrairement à ce que croient beaucoup de pêcheurs, ont été édictés après enquête minutieuse et expériences sérieuses.

Les recherches sont faites par nos soins, notre avis est celui que peuvent donner des techniciens, reposant, non sur une idéologie, mais sur des faits précis. Nous avons âprement défendu, dans les Commissions consultatives des Pêches, notre point de vue. Parfois, nos idées étaient partagées et ad-mises. Parfois aussi, nos propositions furent jugées inacceptables. L'avenir, le plus souvent, démontra que nous avions raison.

C'est de tout ce travail que devait sortir la réglementation de la Pêche en Algérie, en août 1936.

Mais un texte n'est jamais parfait. Des dispositions de ce décret sont à reprendre. Et c'est en vue des remaniements de cette législation que la Station a mis à l'étude la question des fonds chalutables.

ETUDES SUR LES POISSONS D'EAU DOUCE

UNE station d'Aquiculture doit faire, en Algégérie, l'impossible pour démontrer que, dans nos eaux douces, il y a autre chose que des Barbeaux.

Les Carpes sont répandues dans toute la Mitidja où elles furent introduites vers le milieu du siècle dernier et où elles s'y sont multipliées. Des sociétés de pêche se sont développées dans le département de Constantine et y ont introduit ce Cyprinidé.

Nous avons procédé à l'empoissonnement du barrage de l'Oued Fodda, où 600 Carpes prises dans le canal de déversement du Lac Halloula au moment de son dessèchement, furent capturées par les marins du laboratoire et expédiées au barrage. Elles y ont parfaitement prospéré.

Une des belles réussites d'empoissonnement fut celui du barrage du Ghrib, où un ingénieur du Service des Irrigations, resté en étroit contact avec notre laboratoire, éleva et répandit la Truite arc-en-ciel.

Nous avons étudié la possibilité pour l'Algérie de cultiver le poisson rouge, le Cyprin doré, si à la mode dans ces dernières années et que l'étranger nous envoyait. Le laboratoire a fait construire une installation simple qui permettrait aux petits pro­priétaires ayant de l'eau à leur disposition, de réaliser d'intéressants bénéfices.

Nous avons protesté contre le fait que des Gambusia aient été déversés un peu partout à la suite de l'intense propagande faite par l'Institut Pasteur. Nous ne nions pas la valeur, au point de vue de la lutte antilarvaire contre les moustiques, de la diffusion de ce petit poisson. Mais nous pré­férerions de beaucoup lui voir substituer des Cyprinodons indigènes, tout aussi friands qu'eu'x de larves de moustiques, et qui ne transforment pas, comme le font les Gambusia, une eau, milieu essentiellement vivant, en un milieu putride, où ils ne trouvent même plus des moyens d'existence au bout de peu de temps.

C'est pourquoi nous avons facilement élevé les Cyprinodons ibériques et rubanés que nous désirons répandre.

Malheureusement, les cours d'eau de la Mitidja sont très régulièrement, vers le mois de septembre, soumis à rude épreuve par les caves et distilleries de la région. Chaque année, malgré les appels lancés par la Station, malgré les règlements et les menaces des Services d'Hygiène, des quantités d'eaux résiduaires contenant de l'acide sulfurique, sont déversées dans nos oueds. Et c'est chaque année le même désastre : des tonnes de poissons flottant le ventre en l'air, s'échouant sur les rives où, en pourrissant, ils rendent l'air irrespirable.

Dans ce domaine de la pêche fluviale, il y a beaucoup à faire en Algérie. Aucune régle­mentation n'existe. Tout, ou à peu près tout, est permis. Il y eut bien, sous notre pression, une Commission de la Pêche fluviale qui fut insti­tuée, mais elle n'eut pas de lendemain, après une unique séance préparatoire.

Il serait bon que, là aussi, on tente d'ins­taurer un régime de protection, que des sociétés de pêche de la région constantinoise s'efforcent (sans grand succès d'ailleurs) de réaliser.

C'est au Mazafran qu'a été édifié le Laboratoire d'Hydrobiologie et de Pisciculture d'eau douce, annexe de la Station.

LE CONTROLE SANITAIRE DES COQUILLAGES

E N 1938, la Station Expérimentale d'Aqui­culture et de Pêche de Castiglione a vu s'étendre son activité du côté du contrôle sanitaire des coquillages. La forte épidémie de fièvre typhoïde que sévit durement en Algériedurant l'été 1937 avait ému les Pouvoirs Publics désireux d'éviter le retour de semblable cata­trophe. Les coquillages et fruits de mer, consommés crus, furent incriminés, à juste titre d'ailleurs, par les hygiénistes, et un arrêté, depuis longtemps en gestation, en date du 16 mai 1938, chargeait la Station du travail d'étude de salubrité des parcs à mollusques.

Ceci a conduit la Station à créer un Laboratoire de Bactériologie, où 'sont effectuées les analyses et à tracer un programme de surveillance, cependant qu'il fallait parcourir la côte pour déterminer des zones littorales salubres et insalubres. Malgré diverses difficultés, le travail de classement des zones fut terminé à la date du 1er octobre et fut approuvé sans aucune modification, aussi bien par les Services de l'Inscription Maritime que par les Médecins et les Commissions d'Hygiène des trois départements.
Dès lors, les établissements coquilliers devront être installés en zone salubre protégée, et donneront ainsi plus de garanties aux consommateurs.

Cette création du contrôle sanitaire ostréicole a permis, en outre, en pleine zone insalubre, de créer des établissements d'épuration en eau verdunisée qui donnent toute satisfaction.

INVENTAIRE DE LA FAUNE LOCALE ET TRAVAUX DIVERS SUR LES ANIMAUX RECUEILLIS

LES recherches de science pure (mais existe-t-il bien un départ entre la science pure et la science appliquée ?) sont loin d'être négligées. De nombreuses études sur le plankton ont étépubliées par nos soins. Cette manne, qui sert de nourriture aux poissons, mérite d'être connue. Ce sont des études patientes, des déterminations pénibles, des pêches nombreuses au filet fin qui nous donnent un aperçu d'ensemble sur les variations qualitatives et quantitatives du plankton.

La connaissance des animaux qui habitent telle ou telle zone du littoral, la description des êtres qui vivent dans les divers fonds sous-marins, les études ichtyologiques systématiques, sont autant de sujets de recherches pour les travailleurs du laboratoire.

C'est de ces travaux qui paraissent, à première vue, du domaine de la spéculation pure, que nous pouvons souvent tirer des conclusions d'ordre pratique.

L'activité d'un laboratoire peut se mesurer à l'importance de ses publications. Depuis 1926, le « Bulletin des Travaux de la Station » a publié de nombreux mémoires sur des sujets de biologie ou de pêche, extrêmement variés. Nous avons voulu, avant tout, qu'il soit une publication algérienne. Il ne cherche pas à se substituer aux périodiques scientifiques de la métropole.

C'est dans cette collection qu'il faudra puiser plus tard, pour connaître l'évolution des travaux consacrés à la pêche et à la mer, en Algérie.

Ainsi qu'on peut le voir par ce bref aperçu, la Station Expérimentale d'Aquiculture et de Pêche de Castiglione déploie son activité dans les diverses branches qui touchent à la pêche maritime et fluviale.

Sans négliger, tant s'en faut, les recherches scientifiques, elle s'applique à des études pratiques qui aboutiront certainement un jour à modifier, à améliorer le rendement des pêches, faible, non pas parce que le poisson est rare sur nos côtes, mais parce que son exploitation n'est pas faite de façon disciplinée et rationnelle.

Docteur R. DIEUZEIDE,

Directeur de la Station d'Aquiculture et de Pêche de Castiglione, Inspecteur technique des Pêches en Algérie.






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