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Le combat au féminin Réfugiées fières et dignes


Lorsque nous sommes arrivés dans le camp de Boujdour, les femmes circulaient librement, et ce, même à des heures tardives. Elles saluaient les passagers et discutaient, fières, sans aucune crainte. Un sentiment de liberté et de détermination que traduisent leurs gestes et leurs regards. Les femmes sahraouies sont belles, indépendantes, libres et responsables. Il n'y a pas assez de qualificatifs pour les décrire. « La femme sahraouie est la colonne vertébrale de la société. C'est sur elle que reposent l'organisation et la gestion des camps des réfugiés. Elle joue un rôle social important. Elle est également garante de l'hospitalité sahraouie », témoignent Loud, Touali, Bendiret, des Sahraouis qui révèlent qu'elles jouissent d'une importante considération.« Elles sont rares les femmes sahraouies victimes de violences, ne serait-ce que verbales. Dans notre société, c'est l'homme qui quitte le domicile en cas de conflit conjugal, parce que c'est la femme qui est responsable de l'éducation des enfants », précisent-elles. Nous avons visité le camp de Boujdour une matinée du mois d'avril. Nous étions hébergés chez Naïha, une Sahraouie de 48 ans. Vêtue d'une mlehfa blanche avec des rayures, elle nous a accueillis à l'entrée de sa kheïma. « Marhaba ! Ahla wa sahla » (bienvenue). Naïha vit dans ce camp depuis plus de 22 ans avec ses deux filles et sa petite-fille, âgée à peine de 18 mois. Cette mère de famille est née à Dekhla, dans les territoires occupés. Elle explique qu'elle n'a pas toujours vécu ici. Naïha a vécu auparavant à Alger (Bordj El Kiffan, El Harrach et Zéralda), mais aussi en Allemagne et en Espagne. Divorcée, elle s'occupe de sa petite famille. « J'ai travaillé comme sage-femme (khaliga) », dira-t-elle. Elle précisera qu'elle s'est séparée de son troisième mari récemment. « Le divorce n'est pas une honte ou un péché. Les femmes sahraouies divorcées se remarient sans que cela pose problème », explique-t-elle. « La femme sahraouie est propriétaire de la maison. Lors du mariage, c'est l'homme qui vient vivre avec sa femme, pas loin du domicile parental. En cas de divorce, c'est elle qui garde la maison », ajoute-t-elle.« Je ne vois ma mère qu'en Mauritanie »Quand on interroge Naïha sur son passé, elle soupire longtemps avant de nous confier : « J'ai fui les bombardements pendant plusieurs jours avant d'arriver aux frontières algériennes. J'étais pieds nus, brûlés par le napalm », se remémore-t-elle, les yeux pleins de larmes. Après un court silence, elle reprend : « J'ai eu de la chance, d'autres sont morts sur le trajet ou dans les bombardements. »Sa mère vit toujours dans les territoires occupés. « Je ne la rencontre qu'en Mauritanie », dit-elle. « On doit se déplacer jusqu'à la ville frontalière Zouiret. On prend le départ de Rabouni, situé à 50 km de Tindouf, à bord de véhicules tout-terrains pour rejoindre la ville frontalière, distante de 900 km. Le trajet n'est pas facile, et le voyage est en plus très coûteux », indique Naïha. Il est de 5.600 DA et peut aller jusqu'à 6.500 DA quand le véhicule est climatisé. « Nous traversons des pistes mais le risque mérite d'être pris, car au bout, nous rencontrons nos proches. Ensuite, nous nous rendons à Nouadhibou, une ville frontalière avec le Sénégal. Des fois, nous y rendons en été pour fuir la chaleur insupportable des camps », relate-t-elle.Taghla (Ghalia) est, elle, âgée de 21 ans. Elle vit dans le camp des réfugiés de Boujdour depuis sa naissance. Cette belle jeune fille a arrêté ses études au cycle moyen. « Je souffre d'une allergie, je n'ai pas pu suivre mes études. Mais en dehors de cela, je n'étais pas très douée pour les études et j'aimais bien rester à la maison », confie-t-elle. Teghla dit, néanmoins, vivre « dans la dignité et le respect » dans le camp. Cela ne l'empêche pas d'aspirer à une autre vie. « Je veux vivre dans mon propre pays en tant que citoyenne sahraouie et non comme refugiée », ajoute-t-elle. Dans sa petite demeure en terre, composée d'une chambre, d'une cuisine et d'une tente mitoyenne à la bâtisse, elle partage son temps entre la préparation du thé, sa grande spécialité, et la surveillance de sa petite nièce Mimi. « La période la plus dure pour nous, c'est l'été. Le camp devient insupportable sans climatisation. Nous restons sous les tentes et les familles qui ont un peu de moyens fuient la chaleur pour aller à Tindouf ou dans la capitale. » Teghla dit tenir grâce à sa mère qui la conseille chaque fois et lui recommande d'être patiente. « Elle me dit que nous allons un jour retrouver notre terre, mais cette situation n'a que trop duré. Moi, je suis partisane du retour à la lutte armée. C'est la seule solution », avoue-t-elle. Teghla a eu beaucoup de demandes en mariage mais elle hésite toujours. « Je ne veux pas que mes enfants naissent et grandissent dans un pays sous occupation, qu'ils vivent le calvaire que je vis présentement », dit-elle. Il est à signaler que le camp de Boujdour est doté d'un centre audiovisuel, un musée ou mémorial ainsi que du bureau de l'Union nationale des femmes sahraouies.« L'Algérie nous traite comme ses propres enfants »Milka est une autre jeune fille à l'allure sportive rencontrée au camp. Dynamique, elle travaille dans le centre audiovisuel. Elle maîtrise la langue espagnole et accompagne les médias étrangers qui réalisent des documentaires sur les refugiés sahraouis. « Mon rêve est de réaliser des documentaires qui seront un jour projetés dans mon pays libéré », dit-elle, réfutant au passage les propos du Maroc, selon lesquels les réfugiés sahraouis dans les camps de Tindouf sont « séquestrés » par l'Algérie. « Nous circulons librement.Nous voyageons et nous n'avons jamais été inquiétés par les autorités algériennes qui veillent à notre sécurité au même titre que les citoyens algériens », assène Naiha. Elle affirme aimer « cette terre d'Algérie qui l'a adoptée et lui a permis de fonder une famille, d'avoir des enfants qui vivent dans la sécurité et la dignité. J'adore le président algérien Abdelaziz Bouteflika parce que c'est un grand homme qui a toujours défendu les causes justes ». Dans le camp, on apprend aux petits enfants des chants patriotiques dont « Hayou Abdelaziz El Aziz » (saluez Abdelaziz, le très cher). « Il s'agit du président algérien », précise Naïha, « l'?il » du camp de Boujdour.




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