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Le Nord Magnétique et les Barques du désespoir




Le Nord Magnétique et les Barques du désespoir
Ramez, ramez, le Nord est par là, pas très loin, juste derrière l'horizon. A un moment Il apparaitra. Aujourd'hui peut être, demain au plus tard. La même antienne de votre convoyeur. Depuis combien de jours déjï Depuis que, de la dernière pétarade de son vieux Diesel, la frêle embarcation vous a signifié son refus d'être complice de votre escapade. ?« Voyons, un peu de patience, on y arrivera tôt ou tard, vous n'êtes plus très loin maintenant !». Quelques paroles que consent à grommeler le maître des lieux, lorsque, dans vos regards hagards, il devine toute votre détresse. Lui, le marin improvisé, lui le convoyeur d'un aller simple, tente de déchiffrer le ciel pour vous guider sur cette mer anthropophage. Lui, à qui vous aviez confié vos vies, même plus que ça : vos maigres économies. Il ne peu se tromper, Dieu lui-même ne le permettrait pas. Le Nord ça existe, il est sur toutes les cartes, il suffit d'avancer, il apparaitra bien un jour à l'horizon. Pas celui qu'on vous a bouché depuis toujours, non l'autre qui se trouve à l'opposé ; l'horizon de vos songes, celui qui scintille de mille feux, là où le rêve étreint la vie, là où votre juvénile frénésie pourra inlassablement se repaitre de chair et autres douceurs sans la hantise des lendemains d'infamie. Demain ce Nord sera là, c'est dans l'ordre des choses, comme le soleil ; l'a-t-on vu à jamais disparaitre ' Non, il revient toujours ! C'est seulement une question de temps. Ah le temps ! vous en connaissez un bout, pour avoir cru le domestiquer, puis pour l'avoir à jamais perdu, égaré sur un bord de route, celle de vos angoisses. D'abord celui d'une enfance dépouillée de magie et d'insouciance ; celui ensuite de votre adolescence confisquée, coincée par tant de tabous que vos corps, de carapaces, en sont devenu inertes et que de vos lèvres, hermétiquement scellées, il n'en sortira jamais un son. Pas une plainte, pas une complainte, juste l'obsession silencieuse de l'évasion. Peu importe d'être taxé de « Harrag », les étiquettes vous en avez collectionnées. La dernière en date remonte à l'époque ou les murs étaient les seuls à accepter de vous soulager du lourd fardeau de vos tourments. Du « Harrag » ou du « Hitiste » le « H » est à l'honneur, il est aussi dans « Humain » mais, à celui-là, vous sentiez bien que vous n'aurez jamais accès.Lorsque vous aurez fini d'avec la houle, lorsque les vents auront chassé le gris métallique du ciel et son reflet dans les entrailles de la mer : alors seulement, dans l'azur, vous paraitra le Dieu des naufragés. Les mouettes vous l'annonceront et en pleurs vous lui rendrez grâce. Dans leur céleste chorégraphie, les volatiles feront semblant de vous guider vers l'éden de vos convoitises puis, la mer, dédaigneuse et repue de cadavres de vos congénères, dans une de ses ultimes éructations, vous éjectera de son flanc. Sur le rivage d'une terre inconnue et déserte, détrempés, transis et tremblotants de froid dans vos haillons cache misère, vous ferez les premiers pas en titubant. Vous vous demanderez ce que vous faites là et réaliserez soudain que le miracle qui vous a permis d'être encore de ce monde n'y est plus pour vous accueillir. Non de miracles il n'y en aura plus... des Képis, encore des képis, toujours des képis. En file indienne vous suivrez la harde. Marquage, parcage, pâturage....au suivant.Kebdi Rabah


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