Algérie - Revue de Presse

Le phénomène des harraga



Une menace contre notre devenir Sept heures de navigation en «Boté», séparent les harraga de l’Europe; terre d’opulence et de liberté. Pourtant, ils sont pleinement conscients des risques qu’ils prennent. Autant de la malchance de leur capture par les garde-côtes des deux rives de la Grande bleue que du danger de mort par naufrage qu’ils encourent. Comme dans un grand coup de poker, ils y vont et tentent «le tout pour le tout». Parce que ce sont des insurgés, contre la tension sociale inhérente au chômage, à l’exclusion, au célibat, à la misère. Alors d’une existence accablante, les harraga osent l’espoir d’un destin où il fait bon vivre, se réaliser et peut-être même s’enrichir. Mais au-delà des motivations de chaque candidat à la traversée, se dissimule le message d’une génération qui a rompu avec l’appartenance au sol, à l’histoire et, malheureusement, au devenir communautaire. Historiquement, les mouvements migratoires sont liés à la colonisation. Les premiers contingents de main d’œuvre maghrébine se sont déplacés entre 1910 et 1915, en grande partie pour des travaux ménagers. L’option économique du déplacement des travailleurs vers le Nord s’amorce à la fin de la seconde guerre mondiale, en 1945. La France, intégrée dans la cartographie du Plan Marshall, va délocaliser des masses de bras robustes et les mobiliser dans ses usines et sur ses chantiers. Depuis cette période, l’Europe représente pour les couches déshéritées en Afrique, un Eldorado où il est possible d’accéder à une vie digne. L’image de l’Eden du nord sera amplifiée par les despotismes, l’incompétence et la gabegie vécus par les nations africaines. Seulement les diagnostics économiques n’expliquent pas tout. Sinon comment décrire un pays aussi riche économiquement que l’Algérie qui accuse autant d’indigence sociale. Et que reste-t-il de la morale d’un pays qui ramasse les dépouilles de ses enfants dans l’indifférence et la démission collective. D’habitude empressé à tergiverser sur les problèmes socioéconomiques, particulièrement au moment des rendez-vous électoraux, le personnel politique, tous statuts confondus, associatif, partisan ou parlementaire, ne pipe mot. Motus et bouche cousue. La société savante et universitaire qui n’en fait pas son objet de recherche de prédilection, observe une léthargie ahurissante. Le plus grave c’est de réduire la prise en charge du phénomène à une mission policière ou de la gendarmerie nationale. Les jeunes harraga sont victimes d’un trafic d’êtres humains, une entreprise criminelle d’envergure internationale. Ce conglomérat de la traite de jeunes gens maîtrise des réseaux installés en Somalie, pour le Moyen-Orient, en Russie pour l’Allemagne, en Tunisie pour l’Italie et au Maroc pour la France et l’Espagne. D’ailleurs, juste après les attaques du 11 septembre de New York, le trafic s’est arrêté durant une dizaine de semaines. Les trafiquants disposent d’exécutants, rabatteurs sur le lieu de résidence du candidat au voyage, de comparses pour héberger les harraga en attendant le jour du départ et enfin de passeurs peu scrupuleux. Actuellement, l’Algérie se trouve au cœur de la toile du trafic. Pour une raison très simple: le Maroc n’offre plus les opportunités de passage vers l’Espagne. Les autorités ibériques ont mis sur pied à leurs frontières avec le Maroc, un dispositif draconien pour contenir l’immigration clandestine. Notre pays est désormais aux avant-postes. Le phénomène des harraga relève de la question nationale et sociétale. Faut-il prendre exemple sur le Sénégal où des mères se sont regroupées en associations pour dissuader leurs enfants, en les aidant à s’établir chez eux? Ou méditer l’expérience de l’Association marocaine des amis et familles des victimes de l’immigration clandestine qui se bat contre le fléau jusqu’à dénoncer les trafiquants. La jeunesse algérienne sujette au suicide -34 tentatives pour 100.000 habitants- est des plus exposée. Sahla Sid-Ahmed
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