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Mai 1945 : aucun plan insurrectionnel ne peut justifier autant de pertes humaines.



Mai 1945 : aucun plan insurrectionnel ne peut justifier autant de pertes humaines.
Les événements du 8 mai 1945, par l’ampleur des pertes en vies humaines, consacrent la rupture définitive entre le peuple algérien et le système colonial. L’éminent historien, Mohamed Harbi, situe le début de la guerre d’Algérie à cette date.
En fait, après la chute du régime nazi –un danger pour tous les peuples épris de liberté –, les peuples dominés ont cru que la colonisation allait disparaître dans le sillage de la fin du régime hitlérien. Bien que les Anglais aient tiré les conclusions idoines, il n’en est pas de même des Français.
En fait, dès 1943, une année marquée par le déclin des pétainistes, le gouvernement provisoire français songe à rétablir l’image écornée par la débâcle de 1940. Pour ce faire, il compte raffermir le système colonial, gage de la grandeur de l’empire.
Dans ces conditions, toute revendication inhérente à la fin du joug colonial est assimilée à une atteinte aux intérêts immédiats de la France. Ce qui justifie, d’après eux, le recours à la force. Après la démonstration du 1er mai 1945, où douze Algériens ont laissé leur vie, la répression des manifestations du 8 mai 1945, coïncidant avec la défaite du nazisme, atteint son paroxysme.
Malgré les consignes de la direction du PPA (parti du peuple algérien) pour que la célébration de l’armistice ait lieu dans le calme, à Sétif comme à Guelma, les forces de police guettent la moindre faille. Mais, quand un parti indépendantiste manifeste, il est très facile de trouver le prétexte, car il suffit de brandir le drapeau pour que la police intervienne.
Pour Jean-Pierre Peyroulou, dans une contribution au livre « 1830-1962 : histoire de l’Algérie à la période coloniale », le 8 mai 1945, à Sétif, « la manifestation organisée par le PPA se transforma en émeutes quand la police chercha à enlever les drapeaux algériens et les pancartes nationalistes qui demandaient la libération de Mesali et l’indépendance de l’Algérie. »
A Guelma, la célébration se déroule dans l’après-midi. Elle rassemble environ 1500 personnes. Comme à Sétif, « la police, sous les ordres du sous-préfet André Achiary [futur dirigeant de la sinistre organisation armée secrète (OAS)], réprima la manifestation. Un Algérien fut tué, mais aucun Français ne fut même pas blessé », écrit encore l’historien.
Quoi qu’il en soit, si le système colonial avait eu les valeurs d’humanisme, les choses auraient pu en rester là. Hélas, dans les jours suivant cette manifestation, la violence devient le recours systématique. Il va, par la même occasion, crescendo. « Ces miliciens, policiers et gendarmes massacrèrent des Algériens du 9 mai au 26 juin 1945, alors que les meurtres d’Européens avaient cessé le 11 mai », écrit-il.
Cependant, bien que les pertes françaises ne fassent pas polémique, et ce, dans la mesure où le chiffre de 102 morts est communément admis, il n’en est pas de même des pertes algériennes. Si le chiffre avancé par les autorités coloniales de 1165 morts vise à minimiser les pertes, le nombre de 45000, avancé par le PPA, paraît exagéré.
En effet, le parti indépendantiste tente vaille que vaille de discréditer par tous les moyens le régime colonial. À ce titre, il joue convenablement son rôle. Car, ce qui porte préjudice audit système permet, par ricochet, d’avancer sa cause. Du coup, on peut dire que les chiffres de 45000 et 80000 sont à mettre sur le compte de la propagande.
Pour l’historien, Jean-Pierre Peyroulou, il est difficile de situer exactement les pertes. Celles-ci varient selon les sources. « Le 4 juin 1945, l’état-major britannique en Afrique du Nord estima le nombre de morts à 6000 et de blessés à 14000, des ordres de grandeur à rapprocher de celui fourni en 1952 par un officier de renseignement, le capitaine Terce, qui parle alors de 10000 morts. L’armée américaine avança celui de 17000 morts, un chiffre comparable à celui évoqué par le journal de Ferhat Abbas, Égalité : 15000 à 20000 morts. C’est dans cette fourchette qu’il faut estimer le nombre de victimes », conclut-il.
Pour conclure, il va de soi qu’au-delà des chiffres, « on se retrouve donc bien en présence d’un politicide », pour reprendre l’expression de Jean-Pierre Peyroulou. Bien que les autorités coloniales avancent l’argument du plan insurrectionnel en vue de justifier la répression, il n’en demeure pas moins que l’ampleur de la tragédie serait disproportionnée même s’il y avait eu réellement l’existence d’un tel plan.
En tout cas, les études sérieuses indiquent qu’il n’y avait aucun plan insurrectionnel. Mis à part une chimérique proclamation d’un gouvernement provisoire, présidé par Messali Hadj –un projet mort-né –, il n’en reste pas moins que les manifestations sont le fait des citoyens croyant à l’idéal de liberté. Le fait que ces événements aient lieu dans le Constantinois –la région est la plus politisée dans les années quarante –donne davantage du crédit au caractère pacifique des manifestations.
Aït Benali Boubekeur



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