Algérie - Divers Agriculture

Planète - Ceux qui font le monde d’après: Loïc Le Borgne, maraîcher bio


Planète - Ceux qui font le monde d’après: Loïc Le Borgne, maraîcher bio




Sans attendre que les solutions viennent d’en haut, certains travaillent déjà, à leur façon, à l’édification du monde d’après. Loïc Le Borgne, maraîcher bio de la première heure, est de ceux-là.

Loïc Le Borgne - J’ai 46 ans. Depuis tout jeune, bien que mes parents ne soient pas du milieu, j’ai toujours su que je deviendrai agriculteur. À 16 ans, j’ai suivi la filière professionnelle qui m’a mené au BTA (Brevet de technicien agricole). Parmi mes profs, Pierre Rabhi. J’ai suivi des stages aux quatre coins de la France. J’ai été définitivement convaincu au bio après un stage à Séné chez un pionnier de l’époque, Gérard Caillosse.

La philosophie de vie

Vers 26-27 ans, j’ai franchi le pas. J’ai créé mon entreprise sur un terrain entièrement en friche. Il y avait tout à faire. Mais j’étais déjà militant et j’en voulais. Je me suis inscrit au GAB 56 (Groupement des agriculteurs biologiques du Morbihan).

Pendant cinq ans, j’ai travaillé dur pour monter une structure rationnelle et efficace. Mais je gardais comme objectif une certaine philosophie de vie: parvenir à limiter ma durée de travail à sept-huit mois dans l’année pour pouvoir voyager autour du monde. Ce que j’ai fait.

Dans les années 80, le bio en était encore à ses premiers balbutiements. Nous n’étions pas nombreux et passions pour des marginaux atypiques aux yeux des collègues aux méthodes conventionnelles. Mais ils ont bientôt vu que nous produisions de la marchandise de bonne qualité, que nous vendions plutôt bien. J’ai créé le premier marché bio du Morbihan, à Séné.

Aujourd’hui, l’entreprise fait vivre cinq personnes à temps plein. Plus quelques saisonniers dans les moments forts. Nous commercialisons notre production directement, sans passer par des intermédiaires. Moitié sur les marchés, moitié dans un local bio regroupant plusieurs producteurs. Et nous parvenons à nous assurer huit semaines de vacances par an.

Une bio à deux vitesses

Aujourd’hui, dans le Morbihan, environ 30 % des nouvelles créations d’entreprises agricoles se font sous label bio. Et la Bretagne est la seconde région de France en matière de production bio, après Rhône-Alpes. Les deux régions les plus polluées de France par les excès du productivisme sont celles où l’on bascule le plus vers le bio!

Dans le Morbihan, beaucoup travaillent en vente directe. Mais dans le Finistère, une grosse proportion de la commercialisation passe par les coopératives agricoles et les centrales d’achat. Ce qui se dessine, c’est une bio à deux vitesses: la bio paysanne et la bio industrialisée. La bio rigoureuse défendue par la FNAB (Fédération nationale d’agriculture biologique) et celle de la Grande distribution qui cherche à faire alléger le cahier des charges du label et à délocaliser la production pour des raisons de rentabilité.

Pour l’instant, la bio paysanne tient plutôt bien le choc, surtout dans un domaine comme le maraîchage où on est sur du produit frais, difficilement délocalisable. Nous sommes beaucoup plus fragiles sur les produits de plus longue conservation, la pomme de terre, l’oignon...

Aujourd’hui, je suis raisonnablement optimiste. La bio même industrielle, c’est quand même un moindre mal par rapport à l’agriculture productiviste conventionnelle. Tous les pays européens sont de plus en plus sensibilisés à la question, souvent plus qu’en France. Les aides de l’État, mais aussi de l’Union européenne pour le bio grignotent sur la part de l’agro-alimentaire industriel, quoiqu’on pense de l’influence des lobbyes, et pas seulement en faveur de la bio industrielle.

Pour bien comprendre, il faut savoir qu’on est sur du long terme. Dix ou vingt ans, en terme d’évolution d’une politique agricole, ce n’est rien! Or cette évolution aujourd’hui me paraît positive. Les progrès depuis les années 70 ont été considérables. Il y a une prise de conscience. Ce que je constate, c’est que certains de mes collègues maraîchers conventionnels viennent parfois m’acheter mes produits à moi ou cultivent leur propre jardin en bio pour leur consommation personnelle!

C’est un combat que doivent mener les agriculteurs responsables. Mais le lecteur, qui est aussi un consommateur, doit comprendre que la bataille ne peut être gagnée qu’avec son soutien actif.

La chance des pays du Sud

Ce que je voudrais rajouter, et c’est un sujet qui me touche beaucoup, c’est que la bio conviendrait particulièrement aux pays pauvres du Sud par rapport aux climats qu’ils ont. Je connais bien l’Afrique de l’ouest où je suis intervenu plusieurs fois, au Burkina Faso notamment.

Dans des pays où il fait une moyenne de 30° Celsius avec une forte humidité — Bénin, Côte d’Ivoire, Togo, Ghana, etc. — la décomposition de la matière organique, le compost, est grandement facilitée. Parfait pour la culture des fruits, bananes, oranges, citrons, du cacao, du café...

Dans les régions sub-sahéliennes où il fait super sec tout au long de l’année, mais où il serait tout à fait possible de stocker et de conserver l’eau des fortes pluies estivales, on pourrait aisément, avec un peu de formation et d’organisation, faire pousser des légumes, patates, tomates, sans problème de maladies, ni, surtout pas, besoin d’engrais.

Que la consommation de légumes n’entre pas encore dans les habitudes africaines est un problème secondaire. Il y a quarante ans, les Français ne consommaient guère non plus d’aubergines ou de tomates. Le problème, c’est le manque de formation et le fait que les Occidentaux monopolisent les meilleures terres pour la culture du coton qui servira à confectionner leurs jeans, ou font pression pour que les Africains leur fournissent des haricots frais à Noël.

Moi, je trouve révoltant de voir autant de gens souffrir de la famine dans des pays si riches en possibilités agricoles, sans que personne ne réagisse sur le long terme.

* Photo: Loïc Le Borgne




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