Algérie - La Tafna

TLEMCEN La Tafna, la rivière du traité (2)



Elle arrive du sud de Tlemcen et prend naissance près du mont Merchiche (Sebdou), à 1 600 m d'altitude. Elle enserre la ville avec ses nombreux affluents, traverse la plaine des Gaâdi (Remchi) et se jette finalement dans la mer, face à l'île de Rachgoune, berceau de l'ancien royaume de Siga.
La Tafna aurait pu être une rivière comme tant d'autres, où même sans ses eaux, à cause de la sécheresse de ces dernières années, continue néanmoins de vivre avec les murmures de ses flots et de l'histoire. Elle fait parler d'elle, souvent avec nostalgie. Déjà au XIe siècle, El-Bekri affirmait que la Tafna était navigable. Elle recevait de petits navires qui la remontaient jusqu'à l'ancienne ville de Siga, capitale de l'ancien royaume du roi berbère Syfax. Selon le géographe El-Bekri, la ville de Siga était bâtie à 4 km de l'embouchure de la Tafna. Dans un ouvrage-mémoire dédié à Tlemcen, Dans Tlemcen au passé retrouvé, Louis Abadis mentionne le rôle capital de cette rivière depuis les Phéniciens jusqu'au Arabes, en passant par les Romains. Mais l'histoire de la Tafna fut plutôt marquée par le traité du 30 mai 1837. Selon toujours l'auteur, l'Emir Abdelkader recevait des armes des Anglais, et c'est pour cette raison que Clauzel fit occuper l'île de Rachgoune et verrouiller le port. Le ravitaillement des troupes françaises à Tlemcen arrivait d'Oran par mer. Un autre géographe, Mac Carthy, rappelle qu'en 1850, des pêcheurs espagnols remontaient la Tafna lorsque la mer était houleuse pour remplir leurs soutes de poissons de rivière. La Tafna reste à la fois une rivière mystérieuse et légendaire. Elle traverse des gouffres qui ont attiré explorateurs et spéléologues et son mythe reste entier. Un ingénieur électricien de Tlemcen, Marcel Henry, fut le premier à tenter, en 1931, l'exploration à Merchiche. Il y a aussi Ghar Lkhal (la grotte noire), une véritable merveille. En 1935, une équipe dirigée par Louis Dolfus et des membres du cercle Jeanne d'Arc s'intéressent aux lieux. Un des participants à l'expédition, R. Douffiaques, livre ses impressions dans un article paru dans le Petit Tlemcenien : « Devant certaines stalactites, on aura envie de se mettre à genoux. On croit être en présence d'un chef-d'œuvre divin. On reste ébloui devant ces splendeurs contemplées qui frappent, c'est surtout le coloris de la roche, d'un rose comparable à celui précédant le lever du soleil.» Le pays de la Tafna ne laissait personne indifférent, même les objets inanimés avaient une âme. Dans le bulletin des Amis du vieux Tlemcen de 1954, Paul Martin dit : «Ma mère Tafna (oumma Tafna) réussit cent mauvaises plaisanteries. Elle vous tord les chevilles sous les éboulis, elle vous arrose… du plafond, vous fait glisser brutalement la tête en avant, elle crève votre bateau sur ses récifs pointus.» Il termine son article par cette observation émouvante : «La vieille mer Tafna n'a rien inventé. A Mechiche, comme ailleurs en Algérie, il y a de l'eau, mais elle se cache à l'ombre avec raison. Quand on la cherche longtemps on la trouve.» L'histoire de la Tafna est aussi un vrai chef-d'œuvre de passions et de souvenirs et nostalgies. Louis Abadie, dans sa préface à l'ouvrage Tlemcen au passé retrouvé n'a apparemment rien oublié. Il termine son œuvre avec une dédicace un peu triste : «A mes parents restés là-bas, à mes compatriotes retrouvés ici.» Tlemcen, quand elle murmure son histoire, on a l'impression que la Tafna traverse aussi la Méditerranée.
M. Z.
Tlemcen a son propre désert
«Jusqu'à une époque assez récente, dès qu'on quittait le petit village d'Imama, on se retrouvait en plein brousse. Les rivières, les rigoles et la végétation faisaient de ce village un endroit rêvé pour les chasseurs d'oiseaux et les gens en quête de repos ou d'aventure. Les enfants de Mansourah, de Boudhène ne se souviennent pas de ces étangs qui dataient de l'ère coloniale, tels que Sarl DJ Makhoukh, Le cimenté, Saridj la paix, Aïn Dheb et beaucoup d'autres endroits qui réunissaient en été les enfants qui ne connaissaient ni Rachgoune, ni Béni-Saf. Aujourd'hui, dès que vous quittez la station de village Nedfma, en allant vers les 400 logements et Bouhanek, vous vous retrouvez en plein désert, un endroit qui ne diffère guère de Aïn Sefra ou de Mecheria. Sur les bords des routes qui mènent vers la cité des 400-logements et le campus universitaire, l'APC a planté des arbres qui malheureusement sont livrés aux animaux qui ne laissent rien sur leur passage. Dans cette contrée à vocation agricole, dans les années 1980, le béton avançait au détriment des terres fertiles. Pour les malheureux habitants, aucun arbre ne les protège du soleil de plomb qui écrase le paysage. On ne sait même pas ce qu'est devenu l'Office national des forêts qui s'occupait de la protection des sols. A l'époque, on organisait régulièrement des campagnes de reboisement, alors qu'aujourd'hui, on assiste à la disparition des arbres centenaires. L'oued pollué de Sidi- Ben-Abbès a eu raison de ces majestueux eucalyptus qui protégeaient l'homme et la nature, ces endroits qui servaient de lieu de repos aux bergers. On ne le répétera jamais assez. Tlemcen a connu ces dernières années un total délabrement. D'ailleurs, qui s'en soucie ? Avant, cette banlieue était considérée comme le poumon de la ville, il suffit de planter quelques arbres et de les protéger pour que tout redevienne normal. Est-ce trop demandé à nos honorables défenseurs de la nature.
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