Algérie - Revue de Presse

L’artiste Bouzid Ammari à la voix de l’Oranie



«Les artistes doivent savoir écouter avant d’exiger des droits»  Bouzid Ammari compte parmi les figures les plus saillantes d’Oran. Chanteur, Ammari est aussi auteur, compositeur et fredonne spontanément des airs mélancoliques souvent chargés d’émotion. Maîtrisant parfaitement la darija, le français et le kabyle, il voyage dans ses mélodies à travers ces trois langues. Et fort de ces trois langues, Bouzid Ammari a su donner à la chanson algérienne sa spécificité sans renier pour autant son patrimoine avec une ouverture non seulement de cœur mais d’esprit également. En réalisant cet entretien, nous avons découvert la pureté d’âme d’un artiste plein d’humilité et une sensibilité touchante. La Voix de l’Oranie: Comment vous définissez-vous? Bouzid Ammari: Je n’aime pas trop parler de moi, mais pour répondre à votre question, je suis un artiste, natif d’Oran. Mes origines sont de Kabylie, principalement de la petite Kabylie... fier de mes origines amazighe et arabe et plus fier encore de mon algérianité que je considère par-dessus tout. Je vis avec ses trois dimensions et les assume sans complexe. - Comment êtes-vous venu à l’art? Par choix délibéré ou par voie héréditaire? Y avait-il des artistes dans votre entourage familial? - Je suis venu à l’art et à la chanson naturellement. Seulement, je sais que l’un de mes arrière-grands-parents a vendu une parcelle de sa terre pour se procurer un gramophone juste pour écouter de la musique. C’était une chose qu’il aimait... - Vos débuts dans la chanson, dans la musique? - Mon véritable parcours musical je l’ai amorcé en 1967 dans des émissions ‘radio-crochet’ que réalisait feu Hachemi Bensmaïn. Dans ces émissions, je chantais les plus célèbres chansons de l’époque. Puis ce fut mes débuts à la télévision, spécialement dans l’émission «Le coin des amateurs» que réalisait le regretté Hadjouti Boualem. J’ai ensuite intégré le groupe de Hachemi Bensmaïn pour former un ensemble musical qui s’appelait «The students» que j’ai quitté en 1969. Après mon départ du groupe «The students», j’ai formé le groupe «Amitié» avec les frères Benahmed. Nous répétions des célèbres chansons de Rock et de Pop, en participant ainsi à des fêtes pour nous faire connaître. - Etes-vous resté longtemps au sein de ce groupe? Ou avez-vous exploré d’autres horizons? - Durant les années soixante-dix, une nouvelle vague musicale est née. Elle faisait des ravages dans les milieux juvéniles. C’était l’explosion du Raï. Un style musical qui symbolise la liberté mais aussi la révolte. Une tendance artistique qui a eu raison de nous, en tant que troupe, et mis fin à notre musique dans la mesure où tous les regards étaient tournés vers le raï. Quoique je n’ai rien contre ce style musical, ce fut la fin de notre carrière artistique en tant que groupe. N’empêche que le raï a fait connaître l’Algérie de par le monde, chose que nous n’aurions jamais pu faire. - En parlant de raï, avez-vous essayé de chanter dans ce style? - J’ai fait du raï, non en tant que chanteur mais en parolier, vu que j’écrivais pour des jeunes chanteurs tels que le regretté cheb Hasni pour qui j’ai écrit «El Baida» et «El Visa». J’ai également écrit pour le King Khaled, et cheb Nasro. - Voyez-vous en qualité d’artiste, de chanteur précisément, que le paysage artistique a changé? Y a-t-il une différence entre les émissions de jadis et celles d’aujourd’hui? - Bien entendu, jadis on pouvait chanter en français, en tamazight et en arabe sans complexe, ni tabou ni encore moins de censure... actuellement on fait face à des émissions sélectives qui imposent à l’artiste la manière et la langue dans laquelle il doit chanter. Sans pour autant axer sur la qualité, ceux de ma génération se sentent marginalisés, exclus. Malgré que le français soit un tribut de guerre et que le tamazight et l’arabe fassent partie de la composante de la Nation algérienne, un héritage riche et varié. - Vous avez connu Abdelkader Alloula de près que pouvez- vous nous dire sur lui? - Avant d’être son beau-frère, Alloula était un frère, un ami mais aussi un confident, quelqu’un sur qui je pouvais compter dans les pires moments. Avec Abdelkader, on se permettait de discuter de tout, de théâtre, de politique, de plus c’était un grand homme qui a su donner au théâtre une vision plus vaste, une dimension universelle. Nous avons perdu un dramaturge qui aurait pu laisser de grandes œuvres n’étaient les balles assassines... Alloula avait le courage de dire tout ce qu’il avait sur le cœur dans une pièce de théâtre. C’était un humaniste qui avait un grand cœur, il savait écouter, juger, analyser. Son départ a laissé un vide dans ma vie que je n’ai jamais pu combler. - La chanson initiale «Mon oncle» était-elle un hommage à Alloula ou un cri de rage contre ceux qui l’ont tué? - C’était un hommage, un cri de rage mais aussi de douleur ne pouvant s’exprimer qu’à travers des mots. J’ai écrit cette chanson pour ma fille Yasmine parce que je n’ai pas réalisé, et encore moins compris, le but de cet assassinat. - Vous êtes parmi les rares parents qui encouragent leur fille à entamer une carrière artistique, n’avez-vous pas reçu des critiques pour cela? -Oui, j’ai eu quelques remarques désobligeantes mais ma fille avait un don et beaucoup de talent. Je ne pouvais ignoré cela. Elle avait besoin d’aide et de soutien pour faire ses premiers pas comme chanteuse. Je ne pouvais pas la laisser seule. - Durant la décennie noire que notre pays a vécue, beaucoup d’artistes ont choisi l’exil. Vous, par contre, avez préféré rester et chanter?... - J’avais beaucoup de choses à dire pour expliquer que ce phénomène et cette machine de destruction étaient étrangers à l’Algérie. Je suis surtout resté par devoir et amour pour mon pays. - Comment voyez-vous l’événement «Alger, capitale de la culture arabe»? - C’est une manière de promouvoir l’échange culturel entre les pays arabes et faire connaître les richesses de notre patrimoine culturel et artistique. - Vos chansons sont marquées par la mélancolie. Mais pensez-vous pouvoir chanter d’autres airs que l’amertume? -Je crois pouvoir à présent chanter autre chose que la tristesse. J’ai écrit les paroles d’une chanson que j’ai dédiée à mon épouse, en plus d’une deuxième chanson intitulée «La mer» qui parle de la beauté de l’Algérie, dans l’espoir de revenir bientôt sur scène et en force Inch’Allah. - N’est-il pas venu le moment pour que les artistes constituent un syndicat et arrachent un statut qui préserve leurs droits? -Le défaut chez nos artistes est ce manque de solidarité. Chacun n’en fait qu’à sa tête. Avant de parler de droits et de syndicat, il faut savoir écouter sans juger. Je tiens à remercier notre journal, la Voix de l’Oranie, qui ouvre ses pages aux artistes sans discrimination aucune. je voudrais ajouter qu’une nation sans culture est une nation condamnée à disparaître dans les abysses de l’oubli.     Par Boukhellat Nadia
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