Algérie - Mariage et Traditions

Mon très très cher mariage à Tlemcen…


Mon très très cher mariage à Tlemcen…


Quand on aime, on ne compte pas… Mais parfois, ça peut vous causer bien des tracas. Surtout lorsque vous vous mariez. Dans certaines régions de l’Algérie, épouser quelqu’un revient à s’endetter seulement pour organiser la parfaite cérémonie. Tlemcen en fait partie. Il faut dire que la ville tient à conserver de nombreuses traditions. Les mariages y sont somptueux, festifs et spectaculaires mais encore faut-il avoir les moyens de les faire.

Traditions, pression

« Tu n’as pas le droit de rater ton mariage ». Nassim Boukli est clair sur l’importance du mariage à Tlemcen. Il faut dire qu’il s’y connait. Il tient une boutique de robes, et c’est un spécialiste du caftan et de la cheddah, la fameuse robe de mariée des Tlemcéniennes, classée au patrimoine immatériel de l’Unesco.

L’homme fait partie des commerçants qui habillent les jeunes femmes sur le point de convoler. Alors, il connaît très bien les us et coutumes de la région. Son commerce, c’est son héritage. Son père tenait déjà la boutique. Ici, des mariées, ils en ont habillées. Nassim Boukli reconnait que la vision du mariage tlemcénien a beaucoup changé avec les années. Auparavant les noces duraient 7 jours. C’est pourquoi on l’appelait « El sebaa ». Mais avec les années, la durée a été réduite à trois jours.

Désormais, les Tlemcéniens se contentent d’une journée, ou plutôt d’une soirée, sur laquelle ils misent tout. Fantasia, feux d’artifice, danseurs, musiciens. On se croirait un jour de fête nationale. Alors que d’autres traditions ancestrales, comme el ghala, le tebal et ses musiciens, animent la soirée au rythme des tambours. La Nouba, ou la snia se sont, soit envolées soit réadaptées. Désormais se marier à la Tlemcénienne c’est mélanger les rites des aïeux avec une pointe de modernité. Mais le plus important est de marquer les esprits. Quelqu’un de bien, fait un beau mariage à Tlemcen.

Cette étape de la vie est si importante qu’à Tlemcen, on prépare les jeunes filles à devenir des mariées plutôt que des femmes. « Moi, j’avais préparé mon trousseau dès mon adolescence. Je n’ai pas eu besoin d’acheter tout au dernier moment », nous explique Sarah, pour qui le mariage était un projet de vie. Elle explique que la plupart des filles s’organisent très tôt pour ne pas être surprises, ou débordées le jour J. « Pour les bijoux, on nous les prête, moi j’ai porté ceux de ma mère. La seule chose que l’on fait au dernier moment est la cheddah, on la prépare en fonction de la date de mariage. Elle peut-être préparée un an comme six mois à l’avance. » La jeune femme, mariée depuis sept ans, raconte son mariage comme si c’était hier. « C’était magnifique, je m’en souviendrais toujours. J’attendais ce moment depuis longtemps », raconte-t-elle émue. Pour elle, il est hors de question d’enlever ne serait-ce qu’un rituel. « Nous sommes fiers ici de nous marier comme nos mères », précise-t-elle.

« Le mariage tlemcénien, un corps sans âme »

Comme dans beaucoup de régions, le mariage à Tlemcen est surtout l’affaire des femmes. Elles préparent chaque détail des mois à l’avance. Les hommes seraient plutôt pour se séparer de quelques traditions superflues. « Avant, on était plutôt dans la simplicité, par exemple les hommes de la famille se retrouvaient au café, on se contentait d’offrir une limonade. Ce n’était pas grave, l’essentiel c’était d’être ensemble », se rappelle Amine, qui préférerait que les « mariages soient moins superficiels ».

« De toute manière on n’a plus rien, nous les jeunes ça nous est impossible de nous marier comme ça. Le cortège, les chevaux, le feu d’artifice c’est devenue une normalité à Tlemcen. Quand on trouve même pas de travail ici, on peut pas se marier ainsi », estime Islam, un jeune homme de 25 ans qui n’imagine même pas s’offrir ce type de noces. Ici, « l’homme, c’est le portefeuille. Il ne s’occupe de rien. Il a juste intérêt à payer », ironise Nassim Boukil, avant d’assurer : « Bien sûr nous sommes fiers de ce patrimoine mais le mariage à Tlemcen est devenu un corps sans âme ». Et d’ajouter : « Pour un beau mariage, il faut que le papa soit friqué. Un jeune même de 35 ans est incapable de se payer ce type de mariages, à moins d’être riche à 35 ans, ce qui est rare ».

Il faut dire qu’un mariage est une réelle entreprise à Tlemcen. En moyenne, il faut compter au minimum un million de dinars pour un mariage, sans compter la dot, ou encore de quoi s’installer. La cheddah à elle seule peut coûter entre 80 000 dinars minimum et 150 000 dinars, du moins sans les bijoux. Pour orner la robe traditionnelle, il faudra en plus acheter l’ensemble de la parure de la mariée qui peut monter jusqu’à 20 millions de dinars. Gare à celle qui ne le fait pas, il serait très mal vue dans la ville.

Nous parlons là que de la base d’un mariage. Le marié doit aussi impressionner, et son moment est son arrivée à la salle où il rejoint sa moitié. Devant la salle Bou Ali qui enchaîne les mariages dès que les beaux jours arrivent, la route est fermée quasiment tous les soirs de week-end. La même scène se reproduit : une horde d’hommes s’approche à pieds de salle. Ils mènent le futur époux vers sa femme. L’ambiance est extraordinaire, musique, chevaux, fumigènes voire feux d’artifices… Le marié a l’air d’un guerrier fougueux sur son cheval qu’il monte pour la première fois. Mais tout cela a un sacré coût pour quelques minutes de gloire. Le cheval sera loué à 8 000 dinars, « plus vous avez de chevaux et mieux c’est. Cela veut dire que vous avez d’importants moyens », explique Amine. Les feux d’artifice, clou du spectacle, peuvent revenir jusqu’à 400 000 dinars. À Tlemcen, on aime faire la fête et on ne compte pas.



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