Algérie - Actualité littéraire

Note de lecture : Mémoires croisées transcendées Transcender le processus de partage de mémoire historique entre les deux pays




Note de lecture : Mémoires croisées transcendées Transcender le processus de partage de mémoire historique entre les deux pays
Parce que la guerre d’Algérie n’est pas encore une histoire partagée, la réconciliation entre la France et notre pays est difficile tant le cloisonnement des mémoires de chaque coté des deux rives est toujours aussi fort. Mais l’espoir d’une histoire partagée sereinement commence à poindre, comme en atteste le roman de Sadia Tabti qui y contribue avec à-propos.
Ainsi l’auteure met en récit le regard croisé de deux enfants —l’un Français, l’autre Algérienne— qui à travers un échange épistolaire, tracent un parallèle entre deux événements qui se sont produits de façon simultanée et vécus par leurs pays respectifs : la déportation des insurgés algériens de 1871 en Nouvelle-Calédonie, pour ce qui est de l’Algérie ; la Commune de Paris au cours de la même année (1871) pour ce qui est de la France. Dans les deux cas il y a eu déportation en Nouvelle-Calédonie des insurgés tant Algériens que Français…
Voilà donc, il faut bien l’admettre, de manière plutôt subtile en l’occurrence, une sorte de «retours de mémoire» proprement littéraire mais emprunté à l’historicité du vécu partagé par deux représentants respectifs, si jeunes soient-ils, des deux rives de la Méditerranée. Des retours de mémoire parmi tant d’autres, pour reprendre le concept de l’historien Benjamin Stora, sur une période douloureuse de l’histoire des deux pays. «Retours de mémoire» donc, en ce qu’ils permettent, selon l’historien, de «regarder l’histoire en face, de pouvoir l’écrire, mais ils sont aussi révélateurs des problèmes à affronter». Car selon l’historien, «le risque existe d’une apparition de mémoire communautarisée, où chacun regarde l’histoire de l’Algérie à travers son vécu, son appartenance familiale» (…)

Transcender le processus de partage de mémoire historique entre les deux pays

Toujours est-il que le roman de Sadia Tabti ne déçoit pas, bien au contraire : dans la mesure où l’auteure, à travers l’échange épistolaire de ses deux personnages principaux ­—Tassadit et Henri— s’est attelée à retracer l’histoire, d’une façon simultanée, d’une période des deux pays telle qu’elle s’est produite, mais en plus, avec moult détails anecdotiques, ce qui force sinon l’admiration, du moins le respect pour un travail bien élaboré. Un travail sans quoi, par exemple, le commun des lecteurs, voire des mortels, ne saurait peut-être jamais que le grand résistant Aziz Ben Cheikh Al Haddad est mort le 22 août 1895, après sa déportation et son retour d’exil en Nouvelle-Calédonie dans l’immeuble numéro 45 du boulevard de Ménilmontant à Paris, précisément dans les bras du commandant communard Eugène Mourot, son camarade, ancien déporté de l’île des Pins et rédacteur du journal le Mot d’Ordre, alors qu’il était secrétaire d’Henri Rochefort, journaliste lui aussi, auteur de théâtre et homme politique français, échappé également du bagne —avec cinq autres déportés— et exilé à Londres.
Pour tout dire, avec Sadia Tabti et tous ces nouveaux acteurs de mémoire, la sortie de tension mémorielle s’organise, certes difficilement. En passant aussi par le biais de la fiction, les écrivains tout comme les historiens «aident à l’accomplissement de ce processus par l’écriture de l’histoire. Mais, en fin de compte, «il appartient aux hommes politiques des deux rives d’accomplir des gestes politiques forts, significatifs, pour que se tourne la page de ce passé douloureux». Sadia Tabti a apporté une pierre certes petite à l’édifice, mais c’est une pierre ô combien importante car elle va contribuer à transcender davantage tout le processus de partage de mémoire historique entre l’Algérie et la France.
Comme Un, CommUne, roman de Sadia Tabti, édition L’Artmémoire, Alger 2018, 112 pages
Kamel Bouslama

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Bio Express
Sadia Tabti et née à Alger, de mère française et de père algérien, elle vit actuellement en France. Elle partage son temps entre son métier de Consultante en Conduite de Changement et sa passion «la transmission». Sadia Tabti est une auteure-illustratrice de deux contes sur l’artisanat : Tassadit la petite potière et Tassadit la petite bijoutière (Edition Dalimen).
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