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Taxes américaines: Alliés et rivaux dénoncent une attaque contre le libre-échange



Alliés et rivaux des Etats-Unis ont dénoncé vendredi un net virage protectionniste américain et une attaque en règle contre le libre-échange après l'annonce par Donald Trump de barrières douanières controversées, laissant craindre une guerre commerciale internationale. Du côté des Occidentaux, l'Allemagne, un des principaux pays exportateurs au monde, a eu une réaction particulièrement vive. Un porte-parole de la chancelière Angela Merkel a dénoncé des mesures "illégales" après que M. Trump a attaqué la veille Berlin pour ses excédents commerciaux et ses dépenses militaires trop faibles dans le même temps à ses yeux. "Trump barricade son pays contre l'avis de son parti, de nombreuses entreprises et des économistes", a martelé aussi la ministre allemande de l'Economie Brigitte Zypries. "C'est du protectionnisme, c'est un affront envers des partenaires étroits que sont l'UE et l'Allemagne et envers le libre-échange", a-t-elle ajouté.Les alliés français et britanniques ont aussi dénoncé les mesures américaines, alors que la Chine, deuxième économie mondiale, s'est emportée contre "une attaque délibérée (contre le) système commercial multilatéral". L'Union européenne et Pékin ont en particulier critiqué le fait que M. Trump a usé d'un argument de défense nationale pour décider de taxes de 25 % sur les importations aux Etats-Unis d'acier et de 10% sur celles d'aluminium.

Mesures de rétorsions
"Nous ne pouvons pas être une menace pour la sécurité nationale des Etats-Unis, donc nous comptons être exemptés", a lâché la commissaire européenne au Commerce, Cecilia Malmström, alors que l'Europe exporte 5 milliards d'euros d'acier et un milliard d'euros d'aluminium par an vers les Etats-Unis. Pour le ministère chinois du commerce, il s'agit d'un "abus", et le chef de la diplomatie Wang Yi a promis une "réponse appropriée" en cas de guerre commerciale avec Washington.
En attendant l'entrée en vigueur de ces taxes américaines dans 15 jours, les Européens ont d'ores et déjà établi une liste de mesures de rétorsion sur des produits américains emblématiques comme le beurre de cacahuète ou le jus d'orange. Tokyo, principal allié asiatique des Etats-Unis, a aussi a évoqué l'adoption possible de "mesures appropriées". La Maison Blanche a précisé que tous ces pays pourraient négocier une éventuelle exemption. "Nous allons faire preuve de beaucoup de flexibilité", a assuré M. Trump. Ainsi, le Canada, premier partenaire commercial et premier fournisseur d'acier et d'aluminium des Etats-Unis, et le Mexique ont "pour le moment" été épargnés. Leur sort sur le moyen terme dépendra de l'issue des négociations en cours sur l'Accord de libre-échange nord-américain (Aléna).
Le président américain a signé jeudi à la Maison Blanche les deux documents controversés qui marquent un net virage protectionniste, 13 mois après son arrivée au pouvoir. Il a estimé que les Etats-Unis avaient pendant des décennies été victimes de pratiques commerciales déloyales qu'il a assimilées à une "agression". Le président américain a notamment pointé du doigt l'Allemagne, liant question commerciale et dépenses militaires au sein de l'Otan. Berlin, comme les autres pays de l'Otan, s'est engagé à augmenter à l'horizon 2024 ses dépenses de défense à 2% de son Produit intérieur brut, contre 1,2% actuellement. Mais la chancelière Angela Merkel a dû, pour convaincre les sociaux-démocrates de rejoindre son nouveau gouvernent après six mois d'impasse politique, ralentir l'augmentation prévue. Elles ne devraient atteindre que 1,5% du PIB en 2021. Encore loin donc de l'objectif de l'Otan.

Fronde d'élus républicains
Aux Etats-Unis mêmes, l'annonce des droits de douane a suscité une fronde au sein du camp républicain de M. Trump où nombre d'élus réfutent l'avis du magnat de l'immobilier selon lequel les guerres commerciales sont "bonnes et faciles à gagner". En désaccord aussi, son principal conseiller économique, Gary Cohn, a démissionné mardi. Le président républicain de la Chambre des représentants, Paul Ryan, a aussi clairement marqué sa désapprobation, tandis que le sénateur Jeff Flake a lui annoncé le dépôt prochain d'une proposition de loi visant à annuler ces taxes. La décision de M. Trump est intervenue le jour où onze pays des deux rives du Pacifique ont ressuscité, au Chili, l'accord de libre-échange transpacifique (TPP), donné pour mort il y a un an après le retrait des Etats-Unis.
Vendredi, les marchés boursiers ont globalement réagi avec calme aux annonces, qui étaient attendues, la plupart étant peu ou prou stables.

L'OMC, dernier recours
Les taxes douanières du président américain Donald Trump sur l'aluminium et l'acier suscitent la colère et la crainte d'une guerre commerciale un conflit que l'Organisation mondiale du commerce (OMC) est censé permettre d'éviter. Mais le recours par le président américain à un article protégeant la sécurité nationale des Etats-Unis pose un défi inédit au système de règlement des disputes de l'OMC, déjà affaibli par les résistances de Washington à l'égard de l'arbitre du commerce international.

Le règlement des différends à l'OMC
Quand un pays annonce qu'il va s'opposer à une mesure commerciale à l'OMC, basée à Genève, cela signifie qu'il va porter l'affaire devant l'Organe de règlements des différends (ORD). Le traitement de l'affaire peut durer trois ans, mais si les juges concluent qu'une mesure prise par un pays viole les règles de l'OMC, ils peuvent autoriser des actions de représailles comme par exemple des taxes réciproques. Toutefois, rien n'empêche un Etat de prendre unilatéralement des mesures de représailles alors même que son recours auprès de l'ORD est en cours de traitement.

L'article 21 et la protection de la sécurité nationale
Pour justifier ces nouvelles taxes, Donald Trump s'est appuyé sur une procédure rarement invoquée de la législation commerciale américaine: l'article 232 qui autorise le président à limiter l'importation de certains produits pour protéger la sécurité nationale des Etats-Unis. L'OMC a sa propre version de cette disposition. L'article 21, qui date du prédécesseur de l'OMC, le GATT (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce), stipule qu'aucun pays ne peut être empêché de "prendre toute décision qu'il considère comme nécessaire à la protection de ses intérêts sécuritaires essentiels". Le problème est que l'ORD n'a jamais eu à se prononcer sur une affaire invoquant l'article 21 et il n'existe donc aucun précédent permettant de comparer avec la décision américaine. L'ambassadeur du Canada à l'OMC, Stephen de Boer, a déclaré cette semaine que le recours à l'argument de la sécurité nationale était "une boîte de Pandore". La crainte, partagée par beaucoup de pays, est en effet que si l'argument de M. Trump est accepté, cela ouvre la voie à une politique du chacun pour soi, avec une multiplication de taxes en contradiction totale avec les règles du commerce mondial.

L'ORD en crise
L'ORD traverse en outre une crise due à la méfiance de l'Administration américaine à l'égard de l'OMC. Washington bloque ainsi depuis plusieurs mois la nomination de trois juges sur les sept qui siègent à la cour d'appel de l'ORD. Et il faut impérativement trois juges au minimum pour examiner chaque cas, sinon l'OMC ne peut plus régler les conflits commerciaux. Un des quatre juges restant doit en outre achever son mandat le 30 septembre, ce qui rend d'autant plus urgent de trouver une solution. L'Administration américaine est donc techniquement en mesure de paralyser le règlement des différends, en particulier ceux visant ses nouvelles taxes sur l'acier et l'aluminium. Le directeur général de l'OMC, Roberto Azevedo, a déclaré que la nomination des juges était la principale menace visant l'Organisation. Lundi, il a même confié aux Etats membres qu'il n'y avait pas de solution en vue.

"Le dialogue" reste "la première option" pour l'UE
La commissaire européenne au Commerce, Cecilia Malmström, a affirmé vendredi que "le dialogue" avec les Etats-Unis restait "la première option" pour l'UE, après l'imposition par Donald Trump de taxes sur les importations d'acier et d'aluminium. "Le dialogue est toujours la première option pour l'Union européenne", a déclaré Mme Malmström lors d'une intervention devant le think tank américain German Marshall Fund à Bruxelles. "Nous ne pouvons pas être une menace pour la sécurité nationale des Etats-Unis, donc nous comptons être exemptés" des mesures annoncées, a-t-elle réitéré.
Le président américain Donald Trump a signé jeudi soir deux documents imposant dans 15 jours des taxes de 25% sur les importations d'acier et de 10% sur celles d'aluminium. Le Canada et le Mexique en seront exclus "pour le moment" et la Maison Blanche a précisé que tous les pays concernés pourraient entamer des discussions avec les Etats-Unis pour négocier, eux aussi, une éventuelle exemption. "Ce qu'a dit le président (américain) hier n'est pas très clair, donc nous allons chercher à obtenir plus de clarté sur ce sujet", a expliqué Mme Malmström. La Suédoise doit rencontrer samedi à Bruxelles le représentant au Commerce des Etats-Unis, Robert Lighthizer, avec le ministre japonais de l'Economie Hiroshige Seko, pour une réunion à la Commission européenne prévue de longue date dans le cadre des rencontres tripartites organisées depuis décembre 2017. "Demain sera une longue journée", a-t-elle prédit. "Nous espérons que nous pourrons obtenir la confirmation que l'UE est exemptée de tout cela".
Dans le cas contraire, Mme Malmström a rappelé que Bruxelles était prête à prendre des mesures rapides sur une liste de produits américains emblématiques comme le beurre de cacahuète, le jus d'orange ou le bourbon, pour contrebalancer les effets des taxes américaines. Mais "nous ne préparons pas une bataille (...) L'Union européenne est un projet pacifique", a-t-elle insisté. "Toutes les options restent sur la table", mais il est nécessaire de "poursuivre un dialogue d'allié à allié", a pour sa part tweeté le secrétaire d'Etat français Jean-Baptiste Lemoyne, qui s'occupe des questions commerciales. Le président du Parlement européen, l'Italien Antonio Tajani, a, lui, qualifié de "décevante" la décision de Donald Trump. "Mais l'UE (...) réagira de manière ferme et proportionnée pour protéger nos travailleurs et notre industrie", a-t-il commenté sur son compte Twitter. L'association des sidérurgistes européens Eurofer a "fermement condamné" dans un communiqué la décision de Donald Trump qui "pourrait coûter des dizaines de milliers d'emplois". "Ironiquement, les estimations montrent également que les Etats-Unis pourraient aussi subir une perte nette d'emplois à la suite de cette mesure", souligne le syndicat. "Nous craignons fortement que la situation ne dégénère et n'ait un impact négatif sur le secteur agricole européen", a pour sa part affirmé Pekka Pesonen, secrétaire général du principal syndicat européen d'agriculteurs, le Copa-Cogeca.

Berlin dénonce le "protectionnisme" de Trump
La ministre allemande de l'Economie, Brigitte Zypries, a dénoncé vendredi le "protectionnisme" des taxes sur les importations annoncées par le président américain Donald Trump, qui a vivement attaqué son pays en matière commerciale et militaire. "C'est du protectionnisme, c'est un affront envers des partenaires étroits que sont l'UE et l'Allemagne et envers le libre échange", a-t-elle dénoncé après l'imposition par M. Trump de taxes sur les importations d'acier et d'aluminium et sa saillie contre Berlin. "Trump barricade son pays contre l'avis de son parti, de nombreuses entreprises et des économistes", a-t-elle ajouté dans un communiqué, promettant "une réponse claire, équilibrée et coordonnée avec la Commission européenne". Le président américain a pointé du doigt l'Allemagne sur la question des échanges commerciaux, liant ses critiques aux dépenses trop faibles à ses yeux de l'Allemagne en matière de défense au sein de l'Otan. "Nous avons des amis et aussi des ennemis qui ont énormément profité de nous depuis des années sur le commerce et la défense", a-t-il déclaré. "Si on regarde l'Otan, l'Allemagne paie 1% et nous payons 4,2% d'un PIB beaucoup plus important. Ce n'est pas juste", a-t-il ajouté. Berlin, comme les autres pays de l'Otan, s'est engagé à dépenser à l'horizon 2024 2% de son Produit intérieur brut pour les dépenses de défense, contre 1,2% actuellement. Le président américain avait avant même son élection multiplié les attaques contre l'Allemagne, ses excédents commerciaux, Angela Merkel et sa politique généreuse de 2015-2016 d'accueil des migrants.
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